Comédie dramatique écrite et mise en scène par Emma Dante, avec Carmine Maringola, Claudia Benassi,
Stéphanie Taillandier,
Onofrio Zummo, Ballarini Manuela Lo Sicco
et Sabino Civilleri.
Découvrir le travail de Emma Dante, comédienne, metteur en scène, et auteur dramatique, figure majeure du théâtre italien contemporain, au sein de sa Compagnie Sud Costa Occidentale comme ce fut le cas pour ceux qui ont vu les spectacles programmés au Théâtre du Rond-Point en 2009, "mPalermu" et "Le pulle", fait l'effet d'une claque aussi magistrale que roborative.
Pratiquant ce qu'elle nomme "un théâtre tragique, lié à la gesticulation", un théâtre très physique basé sur la biomécanique du corps qui ressortit à la pantomime. Le corps, instrument de l'acteur, est placé au centre de la représentation théâtrale comme véhicule nécessaire et suffisant de toutes les émotions et pulsions, reléguant la parole au second plan, parole qui n'est pas l'apanage des personnages qu'elle porte sur scène.
Car elle oeuvre dans le réalisme social et les figures qui l'intéressent et la bouleversent sont celles qui sont en marge de la vie dite heureuse, les laissés pour compte, les pauvres, les malheureux, les malades, les handicapés, les exclus, tous ceux qui restent sur la berge du long fleuve tranquille de la norme sociétale du moment.
Ce registre impose aux officiants de maîtriser les techniques de dramaturgie du corps et elle a fédéré des talents exceptionnels avec des comédiens époustouflants qui s'engagent totalement dans un processus d'incarnation dans lequel la frénésie et l'outrance semblent confiner à la catharsis.
Ainsi en est-il de Carmine Maringola, Claudia Benassi, Stéphanie Taillandier, Onofrio Zummo, Manuela Lo Sicco et Sabino Civilleri qui interprètent "La trilogia degli occhiali" composée de trois opus qui sont autant de tranches de vie dont les anti-héros portent tous des lunettes, les lunettes prises dans le double sens métaphorique du regard.
Le premier incarne l'homme de "Acquasanta", ancien mousse qui a été débarqué de force pour incurie, qui n'en finit pas de croire qu'il est l'empereur des mers et le roi des navigateurs. Dans "Il Castello della Zisa", deux religieuses infirmières mues par un esprit de compétition s'acharnent à solliciter l'éveil d'un jeune handicapé catatonique. Et dans "Ballarini", une vielle femme ouvre la malle aux souvenirs pour exhumer non seulement son mari avec qui elle formait un couple de danseurs émérite mais toute sa vie jusqu'à son mariage.
Leur performance est sans faille mais sans vraiment en connaître la cause, le fait qu'il s'agit d'une succession de pièces courtes, l'instauration d'un entracte après la première partition avec obligation pour le spectateur de quitter la salle ou le caractère stéréotypé des thématiques, qui, par ailleurs, bien qu'ayant un dénominateur commun, celui de la perte, sont néanmoins d'intensité dramatique différentes, le jeu répétitif d'automates emballés par le dérèglement du mécanisme sur fond de musique aigrelette de boîte à musique finit par tourner au procédé et en démontre les limites suscitant le goût triste de déception. |