L’amour est le thème le plus abordé en littérature. L’amour fou, l’amour libérateur, l’amour destructeur, l’amour non partagé, l’amour-amitié, l’amour inattendu, l’amour qui illumine une vie ou qui pousse au suicide… De Platon à Besson, la plupart des auteurs a consacré ses écrits à dépeindre le sentiment amoureux, à l’analyser même parfois, lui qui, par définition, n’appartient qu’à la sphère du sensible et non au rationnel. Pourtant, malgré ces millions d’ouvrages, le sujet fascine toujours, surtout quand il nous échappe. Dans son nouveau roman, A cause d’un baiser, Brigitte Kernel explore la fissure créée par l’arrivée d’une troisième personne dans un duo amoureux, jusque-là unis et heureux.
La narratrice aime Léa, sa compagne depuis trois ans (la naissance de leur idylle est racontée dans Fais-moi oublier). Elles forment un couple heureux, stable, épanoui par leurs jolies habitudes. Et cependant, elle a embrassé une autre femme. Et elle l’avoue à Léa. Dès lors, que décider ? Chacune a ses choix à faire, chacune va explorer son amour pour l’autre, le pousser à la limite, le sauver in extremis et douter de le relâcher.
Pour la narratrice, il y a d’abord des questions primordiales auxquelles il faudra bien répondre : que faire de cette Marie, maintenant qu’elle s’est logée dans son cœur, dans ses obsessions ? L’exclure de sa vie, la fuir ? Est-ce seulement possible ? "Vouloir oublier quelqu’un, c’est y penser" disait La Bruyère... A-t-elle réellement envie de vivre sans elle ?
Léa, quant à elle, doit faire face à la trahison : comment redonner sa confiance ? Comment tourner la page et croire de nouveau que son couple est inscrit dans le futur ? Comment pardonner sincèrement ? Comment reconstruire lorsque les bases se sont fendillées subitement, sans raison apparente ?
Car c’est là que réside la vraie problématique de ce roman : le motif. Il ne s’agit pas de savoir si l’on peut aimer deux personnes à la fois ainsi que l’indique pourtant la bannière du livre. Il s’agit de comprendre la cause de ce baiser.
Quand on aime et que l’on est aimé, les autres ne nous atteignent pas, il n’y a plus de place. C’est trop grand cet amour, trop complet, pour qu’une tierce personne puisse entrer dans notre cœur. Dès lors, si l’on est troublé, c’est que des fissures existent, finalement. Que nous n’avons pas vues, que nous n’avons pas voulu voir. La narratrice l’admet, peu à peu. Au fil des pages, des manques et des non-dits se dévoilent. Plus elle les découvre, plus elle accepte ces failles, plus l‘emprise de Marie disparaît. Celle de Léa aussi… Que restera-t-il de cette remise en question ? Qu’est-il encore possible et désirable de construire quand on s’est aperçu que les fondations de son amour étaient si fragiles ?
Brigitte Kernel a écrit un roman sensible, touchant par son sujet universel, très féminin par ses multiples interrogations et ses doutes perpétuels. La lecture est cependant parfois ralentie par des phrases assez mal structurées, et certains passages pourront sembler inutiles et répétitifs. A l’instar de nos vies amoureuses, finalement… |