Roulements de tambour. Mesdames et Messieurs ! Le saut vertigineux vers l'inconnu est imminent ! Re-roulements de tambour.
Vacillante, comme chaque fois que je choisis un disque à l'aveuglette, je trouve vite l'équilibre en contemplant l'album de Peggye Sue. Pochette intriguante, ruisselante de questionnements. Elle révèle une part de noirceur et de mystère qui appelle à l'exploration. Dans la pénombre, une acrobate à paillettes attend, figée, le visage caché par sa longue chevelure. Absorbée, je me rappelle ô combien les artistes sont de curieux acrobates, risquant leur vie musicale en mettant en péril leurs notes dans un gouffre d'oreilles. Sans filet ! Oui messieurs, dames !
En vérité, Peggy Sue n'est pas une acrobate mais des acrobates : un trio de funambules. Kathy Beth Young et Rosa Slade y forment un duo particulièrement fusionnel. Elles mêlent avec brio guitares et voix. Quant à Olly Joyce, tout en finesse, il dépose sa rythmique sur le fil des sœurs siamoises. Ensemble, ils n'en sont pas à leur premier album. Parcourant depuis quelques années les chemins de (l'indie-)folk, ils ont déjà senti plus d'une fois la lumière des projecteurs. En 2010, leur premier album, Fossils And Other Phantoms ont déséquilibré plus d'une plume. Alors quels risques cette fois ? De l'électricité dans l'air. Ce trait aussi marqué, une première pour le trio, semble-t-il.
Acrobats s'ouvre par "Cut My Teeth", une ensorcelante introduction. Dès les premières notes puissantes et électriques, je suis captivée, par le duo de sirènes tissant, de leurs cordes graves et aigues, un maillage inextricable. Sans cesse, elles se donnent le verbe, s'échangent les mots, jonglent avec les sonorités. Le rythme y est lancinant, marquant le temps qui passe, et pourtant je suis déjà si loin de la réalité. Entre calme et tempête, je les imagine crachant en un feu chaud et ténébreux leurs souvenirs tristes et colériques.
"Song & Dance" me surprend de plus belle par sa dualité de couleurs. A la première écoute, le titre semble une "danse de l'été", amusant. J'y reviens pourtant à plusieurs reprises pour apprécier le riff et les voix, curieux mélange entêtant, grésillant, saturé. La suite suit un fil électrique, sans soubresaut choquant. "Changed and Waiting" ou "All We'll Keep", se révèlent puissants par l'accompagnement à la guitare et les voix emportées. Quand ils ne tonnent pas dans "Ruthie" ou "Shadows", la pression monte et finit par y exploser. Etonnant pour ce trio si acoustique à la base. Quelques titres rappellent néanmoins les premiers amours du groupe tel "Funeral Beat" ou "Boxes". Plus calmes, ils sonnent joliment folk, joliment Moriarty.
Si je devais vous inviter dans ce numéro musical, au grand damne des "anti-folk", je choisirai "Parking Meter Blues", les yeux fermés. L'équilibre des voix a capella suivi à mesure d'un accompagnement doux et entêtant m'a touchée. Le tour de force est réussi.
Re-roulement de tambour. Acrobats est un album qui fait osciller dangereusement : fragilité, tension, calme, puissance électrique. Simplement envoûtant. Peggy Sue, j'en suis convaincue, est une drôle d'acrobate. |