Plus fort que tout, je m'arrête un instant pour contempler. A perte de vue, un panorama nouveau et bariolé s'offre à moi. Je respire à pleins poumons son air psychédélique avant de partir à l'aventure. Botibol me fait déjà divaguer. J'ai cette sensation étrange de tenir entre les mains un roman intitulé : Born from a Shore. Comme certains curieux le font, je m'impreigne vite de la fin. Au dos, un long chemin a été parcouru, laissant entrevoir une dernière fois un arc-en-ciel – Happy End. A l'intérieur, les dernières lignes sont dédicacées à "to the one who's coming" et ce drôle de personnage encagoulé... Est-ce lui notre guide dans ce paysage coloré et montagneux ?
Combien sont-ils vraiment en réalité ? Pour ce premier album, le voyageur est solitaire. Botibol n'est autre que le tout nouveau projet solo de Vincent Bestaven. Oh ! Parfois, il s'accompagne d'un batteur, tout en discrétion. On pourrait vite imaginer le résultat intimiste, fragile, triste. Pourtant, à la première écoute, il est frappant d'entendre autant de voix, autant de musiciens. A lui seul, il déploie tant de notes enchevêtrées, qu'il emplit l'espace de son harmonie. Botibol est sûrement un de ces artistes habités par plusieurs démons de la musique.
Born from a Shore semble donc raconter une traversée et chaque morceau constitue un passage de l'aventure. "Walk slowly" ouvre ainsi le premier chapitre, plein d'espoir. Ces voix me font hésiter : quelque chose entre Fleet Foxes et The shins... Non ? C'est sans nul doute cette polyphonie douce. En se présentant, "Joe Cowboy" complète ma recherche sur le bout de la langue par un Sufjan Stevens in extremis.
Souvent, les morceaux démarrent avec cette légèreté qui accompagnerait les premiers moments d'un conte : métallophone, guitare acoustique ou piano dessinent crescendo les contours. Puis, les voix envoûtantes s'animent, tournoient. La suite devient dynamique voire frénétique comme sur "Friends" ou "Through the Mountains". Botibol aime surprendre et déstabiliser en usant de changements de rythmes et en modulant sa voix aigue et envoûtante comme sur "Arudy".
Certains passages nous offrent péripéties. Les ryhtmés "Breakwaters" et "Filling a hole" me font penser à des airs de John Butler Trio, sûrement ces incursions de guitare dobro et cette couleur blues. Mais Botibol repart indemne : "Sur le goudron, nous courons vers la mer" avec "We were foxes".
Dans cette histoire, j'ai ce passage préféré que je ne me lasse pas d'écouter. A chaque fois, j'imagine une insomnie du voyageur. Il est "3am". Botibol observe la nuit. Il gratte quelques secondes sa guitare. Un drôle d'oiseau passe. Tel une fenêtre de liberté vers les étoiles, le titre annonce un des plus beaux morceaux de l'album : "A small light in the dark". Je ne saurai comment le décrire : il est tel une berceuse mélancolique. La voix aigue du chanteur s'envole et me rappelle l'espace d'un instant Joe Jackson. Elle plane, redescend vers les graves et me transcende.
Il est de ces albums qu'on écoute à plusieurs reprises pour entrer dans l'univers de l'artiste, et d'autres dont on tombe amoureux à la première écoute. Je suis entrée dans Born from a Shore avidement, savourant cette pop élaborée avec pleinitude et émotions.
Il est tant d'annoncer le The End et de laisser maintenant votre imagination parcourir seule cette histoire.
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