Comédie dramatique de Magyd Cherfi et Daniel Pennac, mise en scène de Anne Veyry et Katia Redier, avec Delfine Hova, Katia Redier, David Ruellan et Simon Charnaud à la contrebasse.

"Chagrin d'école et bleus de travail" ouvre les portes de l'Ecole pour en proposer une vision différente, loin de l'image habituelle propagée par les médias, l'opinion publique ou les politiques.

Ce spectacle raconte en effet l'Ecole de l'intérieur et, chose rare, permet de confronter les deux points de vue des protagonistes principaux : celui du professeur, Daniel Pennac, et celui de l'élève, Magyd Cherfi.

Basé sur les textes autobiographique "Chagrin d'école" de Daniel Pennac, ancien cancre devenu professeur de français puis écrivain, ainsi que "Livret de famille" et "La Trempe" de Magyd Cherfi, né de parents immigrés algériens et devenu parolier et chanteur du groupe Zebda, "Chagrin d'école et bleus de travail" est bien plus qu'une juxtapositions d'extraits de ces romans.

La Compagnie Baba Yaga a en effet réalisé un énorme travail d'adaptation en imbriquant des fragments de ces textes sous formes de saynettes se faisant écho, se répondant, s'amplifiant et se complétant les unes les autres, créant ainsi une dynamique narrative propre et tirant la substantifique moelle de chaque écrit.

Sur scène, ils sont trois comédiens (Delphine Hova, Katia Redier et David Ruellan) ainsi qu'un contrebassiste (Simon Charnaud) pour donner vie aux figures emblématiques de l'élève noyé dans ses difficultés scolaires ou d'enfant, des parents transis d'angoisse face au devenir de leur progéniture dans cette société des années 80 dite "sans avenir", ou encore du professeur tiraillé entre l'amour de son métier et de ses élèves, les enjeux de la transmission du savoir et la grosse machinerie d'un système que ces trois protagonistes entretiennent en permanence.

La mise en scène d'Anne Veyry en collaboration avec Katia Redier est simple, sobre et très efficace. Avec peu de moyens (trois chaises et trois cartables) et sur un petit espace, grâce au jeu des corps, des expressions et à la magie de la langue, tout est dit, évoqué, raconté, avec une précision, et une vivacité à la mesure de la passion qui habite ceux qui nous raconte leur histoire.

La musique originale de Simon Charnaud, à la contrebasse, accompagne les comédiens en créant une atmosphère, un émoi et une tonalité propre à chaque scène, tout en tissant une trame sonore, véritable fil d'Ariane du spectacle.

Le musicien ayant travaillé en lien direct avec les recherches d'interprétation et de mise en scène, on a réellement l'impression d'être dans l'improvisation, la spontanéité, le moment, ce qui sied bien au thème et aux personnages, alors qu'on se doute du travail qui a du être réalisé en amont.

Sur un thème périlleux et sensible, dans un exercice délicat qu'est celui de l'imbrication de textes, la Compagnie Baba Yaga nous livre un spectacle tendre, vivant, émouvant, d'une grande pudeur, et d'une profonde humanité qui permet au spectateur de découvrir les auteurs que sont Pennac ou Magyd, ou pour les initiés, de redécouvrir leurs textes sous un éclairage nouveau. N'est-ce pas cela qu'on attend du théâtre ? Qu'il nous fasse voir entre les lignes ce qui n'était pas écrit et pourtant présent ?

Un spectacle intelligent et surtout avec une âme, à voir sans faute.