Zedrus m’évoque le cirque Pinder. Ne me demandez pas pourquoi, je ne suis pas encore prête pour une analyse de mes évocations (parce qu’elles m’amusent, et une analyse risquerait de faire rentrer mon cerveau dans les clous du passage pour piétons protégés et de le rendre terriblement ennuyeux. Peu importe…).
Zedrus est chanteur, avec Christophe Henchoz (octopus pour faire batterie et guitare à la fois ?), et Jean-François Gandolfo (au clavier). Il se nomme lui-même "le vieux con de la chanson" voire "un salopard de salubrité publique qui jette dans la mare des pavés et des briques", d’accord.
A mon avis, il fait plutôt partie de cette rare race d’humains capables de clamer Hugo en rotant, autrement dit, il sait passer de la poésie la plus racée totally fleur bleue à la trivialité la plus profane en un clin d’œil. C’est à la fois mignon et acide. Surtout quand sa cible préférée est la connerie humaine dans toute sa splendeur, dans ce deuxième album Dans la différence générale.
"On allait si bien ensemble", "comme la potence et la corde, l’Obélisque et la Concorde", a priori teintée de regrets et d’une séparation plus douce qu’amère, et puis non "je sais que mon poing s’entendra très bien avec sa gueule", bien amer quand même. Est-ce que l’inspiration vient des festifs Fabulous Trobadors et de leur "Y'a des Garçons" (from les Duels de tchatche et autres trucs du Folklore Toulousain, truffés d’associations telles que "Aix pour le calisson", "Brassens pour la chanson", "l’apéro pour les glaçons") ?
"Je fais le trottoir" est à propos du lèche-bottisme ambiant : "j’aboie sur mon fils, mais je vouvoie mon chien, normal, je suis fatigué et mon patron m’attend demain". En voilà un qui a perdu le sens des réalités…
"Je rêve d’être méchant", de mentir, tricher, cracher, d’être un connard, de se défier, d’être un traître, un criminel, un meurtrier… oui mais "les derniers des rebelles sont ceux qui trouvent que la vie est belle". Et oui !
Vous l’avez deviné, l’humour est noir, le verbe ventripotent et le troubadour fabuleux. Zedrus sait jongler subtilement entre le piment niveau 3 et le chamallow à la fraise, sans jamais virer tout blanc ou tout noir. "En fin de compte en banque, il n’y a que les gros qui restent, les petits se crèvent pour les restes, et si jamais ils y restent, de la peste, sous un tank, c’est une bonne solution à la surpopulation" (si si ! Il a osé !).
Côté musique, des accents pop-rock pas trop bruyants permettant l’audibilité des textes, mais ça serait du musette que ça ferait probablement la même chose. Quoique…
En quelques mots, Zedrus tripote du vocabulaire et batifole avec les figures de styles, notamment celles qui consistent à associer des trucs sans aucun lien direct, et le résultat est des plus croustillants (entre la grimace triste et le gâteau d’anniversaire aux épinards). Son auto-dérision le pousse à se trouver con, j’ajouterai une rare citation de mon répertoire personnel : "Les cons ça ose tout, c'est même à ça qu'on les reconnaît" (Audiard). "Vive les cons !" (moi). |