Seul en scène écrit et interprété par Vincent Roca dans une mise en scène de Gil Galliot. Pour tous ceux qui apprécient les jeux de l’esprit, l’écrivain, humoriste, chroniqueur et comédien Vincent Roca, pour qui les mots et les jeux non pas "de mots" mais "avec les mots" n’ont plus de secret, présente, un seul en scène humoristique jubilatoire pour les neurones et roboratif pour les zygomatiques et vice versa. Humoristique n’est pas toujours synonyme d’humour lourd et de rire gras style Almanach Vermot, encore que ce dernier ait ses vertus. Vincent Roca pratique, à travers sa maîtrise oulipienne des jeux d’écriture et de langage, un humour subtil qui se nourrit autant de folie que de poésie.
"Vite, rien ne presse ! " est conçu autour de la thématique du temps, le pire ennemi de l’homme, qui lui a inspiré un florilège de réflexions existentielles et de soliloques doux-amers qu’il a traité en usant de tous les ressort de la rhétorique, jouant sur les éléments sémantiques comme sur les fonctions grammaticales, la sonorité des mots et les figures de style.
Le temps, c’est aussi bien l’éloge du farniente pour devenir flegmologue et "alité du bocal" que les temps de la conjugaison qui lui inspirent une ode au devoir conjugal dévoilant les richesses insoupçonnées du subjonctif ("les échecs, vous les aimâtes ?").
Et puis le temps c’est ce qui sépare la naissance de la mort qui lui inspire un poème à l’humour mi-figue mi-raisin dans lequel la vie se résume en deux mots ("premier sourire, dernier soupir", "un prénom sur un bracelet, une étiquette au gros orteil", "champagne, bière").
L’inversion des mots "cœur" et "cul" dans les expressions courantes, qui donne des résultats aussi extravagants qu’hilarants ("parler à cul ouvert", "tomber dans un cœur-de sac"), les aphorismes à double détente ("dans le vietnamien, il y a beaucoup de phonèmes") et l’humour noir de ses détournements publicitaires ("Nous allons vous faire aimer la trachéotomie !") et de ses Leucémie Awards où sont nominés entre autres "Les enfants du panari", "Miction impossible" et "L’odyssée des spasmes" sont irrésistibles.
De même que la confession de son penchant multicultuel obsessionnel ("je me soûle de religions : je sirote des sourates, me pochtronne aux tantras, je me pinte aux versets sacrés, je m’arsouille au jus de psaumes, je me camphre à la charia, je me charge au talmud") et ses déclinaisons du "Notre père" aussi bien dans une version spéciale dédicace au kiné ("Notre kiné qui êtes osseux,ne nous laissez pas succomber à la décalcification") que dans une prière au nouveau dieu Internet ("Donne-nous aujourd’hui nos mails quotidiens, pardonne-nous nos téléchargements" avec un arobase en guise d’amen.
Pour reprendre une chanson de Georges Brassens, tout est bon sous la plume de Vincent Roca, il n’y a rien à jeter et il faut tout emporter sur notre île de la morosité.
Dans un inattendu décor de Niels Zachariesen composé d’une farandole de bassines en zinc du temps jadis destinées à colmater les fuites du temps et une vraie mise en scène de Gil Galliot, petit Pierrot à l’air triste mais à l’œil pétillant, Vincent Roca a une plume aussi affûtée que magique. C’est vif, pertinent et impertinent, tendre et moqueur, drôle souvent, grave parfois, comme la vie.
Jouant la course contre la montre, bien sûr, le spectacle est mené tambour battant et tout va très vite. Et que ceux qui auront raté quelques pépites se rassurent, et les autres également, le texte du spectacle est disponible à la vente avec un CD audio pour se faire quelques piqûres de rappel.
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