A l'opposé de la docte chronique du quinquennat de la journaliste Catherine Nay éditorialiste à Europe 1 ("L'impétueux") qui pédale toutefois pour la reconduction du Président sortant, celle du journaliste Christophe Conte, billettiste aux Inrocks, illustrée des percutantes caricatures à la ligne claire de Luis Granena, qui officie à Libération, ressortit à la satire nerveuse et au pamphlet décapant au double effet Kiss Cool, laissant le lecteur pantelant de rire puis effondré lorsqu'il se projette dans l'isoloir.
Très judicieusement intitulée "Bling", elle déboulonne les statues, crève les baudruches, arrache les masques et éructe pour ne pas pleurer sur ce que Christophe Conte nomme "le quinquennat de tous les déshonneurs".
Celui qui, en 2007, après le général de Gaulle ("le libérateur de la France"), Georges Pompidou ("type qui a donné son nom à un jeu de construction tubulaire situé dans le 4e arrondissement de Paris"), Valery Giscard d'Estaing ("joueur d’accordéon chuintant vertement éconduit que le désespoir a recyclé en écrivain priapique"), François Mitterrand ("phénix manipulateur dont les cendres tardent à faire renaître une descendance politique") et Jacques Chirac, ("ancien maire de Paris deux fois élu pépère de France"), avec l'arrivée de Nicolas Sarkozy à la tête de l'Etat prit l'allure d'une "grande kermesse des vanités, en vaudeville, en vitrine Bling Bling et en tout à l’ego".
Le ton est donné. Christophe Conte trace des portraits avec une plume trempée dans une encre vitriolée, qui démaquille, découenne, dissèque ceux qui gouvernent ou veulent gouverner pour montrer ce qu'ils ont dans le ventre. Quand arrive l'os, il reste encore la moelle à sucer et c'est aussi jubilatoire que roboratif.
Et à propos d'os à ronger, il aurait tort de se priver car il n'a que l'embarras du choix avec le bottin du microcosme politique qui ressemble à une véritable bible pour le théâtre de guignol.
Au lecteur de retrouver les meilleurs avec, entre autres, le "Coluche 2.0", "Babar", "l'épouvantail des Deux-Sèvres", "le conseiller Rire et chansons du couple présidentiel", "le cinéphile et amuseur de vieilles comtesses", le ministre à la "belle carrière d'échangiste politique", le "taulier de bar à cocktails", le ministre "Bromure et Xanax pour tous", le roi de la fête qui "est partout où l’on trouve trois lampions et deux coupes tièdes" et celui qui parvient "sur l’échelle de la connerie à toujours dénicher des barreaux supplémentaires même après avoir atteint plusieurs fois le plafond".
Et sa caricature des show girls du gouvernement est particulièrement réussie, de Christine Boutin ("c’est la droite paroissiale, celle des dames catéchèses portant des jupes en laine bouillie et des mocassins de compétition permettant de faire le pèlerinage de Saint-Jacques-de-Compostelle sans risquer la moindre ampoule") à Roseline Bachelot ("Castafiore défroquée, c'est la droite qui sent le cul") en passant par les mérites comparés de Rachida Dati ("une beurette citadine jet-setteuse aimant s’afficher au défilé Dior") et Nadine Morano ("quiche campagnarde, cliente des soldes C&A").
En cinq chapitres chronologiques scandés par les événements majeurs et les "affaires", Christophe Conte fait le tour et le bilan d'un quinquennat résolument placé sous le signe de la politique-spectacle ramenée plus souvent qu'à son tour au niveau d'un sitcom, ce qui justifie le slogan auto-promotionnel de l'opus ravageur : "Un ouvrage à lire de toute urgence pour éviter qu’un volume 2 ne paraisse en 2017 !"
Et il fait bon se remémorer les moments fastes et les temps forts de la République avec, entres autres, l'EPAD avec le "Jeannot le comploteur de Neuilly", le débat sur l'identité nationale avec "un personnage caoutchouteux qui encaisse parfaitement les coups", l’affaire Clearstream avec le duel Villepin-Sarkozy en forme de "concours de quéquettes" et "le bel exemple de l’art de recevoir à la française avec la grande caravane d'un ancien terroriste des années 1980 relooké en bédouin d’opérette".
Quant au feuilleton, du pays du Roi Rolex, Christophe Conte rembobine quelques épisodes phares, du dîner mondain en forme de speed dating entre "un chef d’État taille basse et une ex-mannequin recyclée dans la chanson folk inaccessible aux malentendants" organisé en 2007 par un publicitaire "has been" toujours "entre deux overdoses de carotène" à la grande saga de l’été 2010, l'affaire Bettencourt ("du nom d’une vieille chouette qu’ils étaient nombreux à vouloir plumer, Liliane, grande adepte du fisc fucking") en passant par les turpitudes de l"Ours qui pine".
Pour en rire... avant d'en pleurer
peut-être après le 6 mai 2012. |