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Charles Bukowski  (13E note Editions)  mars 2012

En 1979 paraissait aux Etats-Unis le carnet de route de Charles Bukowski qui relatait son voyage en Europe pour la promotion de son recueil de poèmes "L’amour est un chien de l’enfer".

En 2012, en conservant le titre ironique, "Shakespeare n'a jamais fait ça", 13E Note Editions en publient une version française augmentée notamment de poèmes inédits particulièrement percutants qui apportent une vraie valeur ajoutée.

L'intérêt majeur de l'opus est de constituer un document biographique de première main qui fera les délices de son coeur de cible que constituent les fans ultimes d'un écrivain et poète américain de la post-beat generation tout aussi connu, sinon plus, par ses frasques et la légende que par ses écrits, légende à laquelle a contribué l'épisode désormais fameux, au début de ce voyage, de son passage à l'émission Apostrophes.

Pour les autres, la lecture, qui ne revêtira sans doute pas le même aspect cultuel, permet de mesurer les limites littéraires de l'exercice : un écrivain n'est pas génial en permanence et, par bien des aspects, les faits consignés dans le "road-book" de Bukowski - qui, de surcroît, n'aime pas voyager et qui, entre bitures et gueule de bois, dispose de périodes de veille réduites très vite gangrenées par l'ennui - ne présentent guère plus d'intérêt que les commentaires d'une soirée "diapo de vacances", en l'occurrence les photos de Michael Monfort, photographe admirateur-collectionneur de l'écrivain dont il partageait également la passion éthylique, et qui deviendra son photographe exclusif.

Toutefois, entre les inévitables tracas inhérents aux transport en commun, à la barrière linguistique et à la quête permanente de bouteilles pour étancher non pas une soif mais une angoisse inextinguible ("... assez de pinard pour remplir les vides jusqu'à la mort"), fusent des digressions kaléidoscopiques qui agissent comme des révélateurs de la personnalité de Bukowski et qui amènent également à s'interroger sur les motivations qui l'ont amené non seulement à rédiger ce carnet de voyage mais à accepter le principe même de la "tournée" promotionnelle.

D'autant qu'il est casanier ("On m'avait réclamé un livre sur notre voyage, j'avais dit oui et ça représentait un sacré boulot pour un type qui déteste voyager") et qu'il se languit du retour chez lui ("Bon Dieu, tout ce que je voulais c'était quitter l'Europe et retrouver ma bonne vieille machine à écrire ; elle m'attendait sur mon bureau, prête à dégobiller librement toutes sortes de phrases sur lesquelles je n'exercerais pas de contrôle, rien de sacré là-dedans mais beaucoup de chance").

De plus, il n'aime pas les interviews ("J'en ai marre d'être interviewé"), ni la lecture poétique ("Je devais faire une lecture de poésie à Hambourg. Ce qui ne m'empêchait pas de détester les lectures de poésie ; je me bourrais toujours la gueule et me battais avec le public"), ni Paris ("Paris à mes yeux cette ville en valait une autre pour devenir dingue"), ni la visite touristique ("Je ne dirais pas que je commençai à m'emmerder dans cette cathédrale, mais bon, j'avais fait le tour de mes pensées") pas davantage que culturelle (ni les musées, "J'étouffe dans les musées, je préfère aller voir un film, ça m'agresse moins", ni les bibliothèques avec "tous ces livres inutiles").

Par ailleurs, la participation à la promotion de ses écrits le met mal à l'aise par rapport à une posture artistique radicale.

Car il ne veut pas qu'on croit qu'il est flatté par la reconnaissance littéraire ("Je connais un tas d'auteurs américains qui aimeraient participer à cette émission. Pour moi, ça veut pas dire grand chose..." dit-il in limine sur le plateau de l'émission Apostrophes) et se sent toujours en porte-à-faux par rapport aux revenus que lui procure l'écriture car il ne veut pas que l'on croit qu'il n'écrit que pour l'argent ("Mais c'était vraiment plus embarrassant que réjouissant d'être planté là à contempler mes livres. Je n'écrivais pas pour ça.").

Et tout autant, que d'une part, n'étant pas un poète qui ne vit que d'amour et d'eau fraîche (sic), il reconnaît qu'il avait bien envisagé la perspective de gagner de l'argent comme l'avait fait Norman Mailer avec son article pour le magazine Life sur le débarquement sur la Lune ("J'avais pensé au pognon qu'il s'était fait en échange et je m'étais dit bon, ça paie la bouffe et le loyer, il passe à la pointeuse comme tout le monde"), d'autre part, il s'en exonère en indiquant qu'il n'avait reçu ni avance ni promesse de publication ("C'est ainsi que les choses se sont toujours passées pour moi, ça garde mon direct du gauche incisif et mon crochet du droit dévastateur").

Ce qui n'empêche pas que l'argent soit, après la picole, une de ses préoccupations prosaïques constantes. Ainsi, le carnet de route commence par la narration du chipotage des éditeurs français qui ne payaient qu'un billet d'avion laissant celui de sa compagne à sa charge et souvent le sujet de l'argent est récurrent ("Si je fréquente les champs de courses, c'est pour échapper du boulot en usine ou à la Poste pour essayer de vivre", "Je n'ai jamais écrit de poésie dans le but de la lire en public, mais c'est sûr ça payait le loyer").

Accepte-t-il aussi sans doute parce qu'au programme figuraient Paris et l'Allemagne, a pesé lourd dans la balance l'occasion de voir des hommes qu'il affectionne, Carl Weissner, son traducteur allemand à Mainheim et le réalisateur Barbet Shroeder à Paris ("...des types géniaux, tellement chaleureux, des vrais mecs, mes seuls amis de sexe masculin, c'étaient des princes, des rois, des clodos magnifiques, les meilleurs, mes potes, mes potes..."), de faire un saut à Nice où vit la mère de sa compagne et d'effectuer un retour aux sources dans le pays d'origine de ses parents, à Andernach, le berceau familial où vivait encore son oncle.

L'écriture pour vivre donc mais aussi survivre à la conscience de l'insoutenable condition humaine : "Je ne suis pas un homme de réflexion, je fonctionne aux sentiments et mes sentiments vont aux estropiés, aux torturés, aux damnés, aux égarés, non par compassion mais par fraternité, parce que je suis l'un des leurs, perdu, paumé, indécent, minable, apeuré, lâche, injuste, avec de brefs éclairs de gentillesse ; salement atteint et conscient de l'être, cette lucidité ne m'est d'aucun secours, au lieu de me guérir elle me plombe".

Bukoswki livre également ses réflexions sur la mort ("La mort ne représente pas grand chose pour moi. C'est la dernière blague d'une longue série"), Dieu ("Pour moi, le grand Dieu est juste un peu trop balèze, trop infaillible trop puissant. Je ne veux être ni pardonné, ni accepté, ni sauvé, je veux quelque chose de modeste, pas la lune..."), le couple à travers sa relation avec Linda Lee ("Cette fille aimait tout ce qui m'ennuyait, et tout ce que j'aimais l'ennuyait. Nous étions le couple parfait : ce qui sauvait notre relation, c'était cette distance à la fois tolérable et intolérable entre nous. On se retrouvait chaque jour - et chaque nuit - sans avoir rien résolu et avec zéro chance de résoudre quoi que ce soit. La perfection.").

Et puis, pour finir sur une note légère, son minimum vital : "Tout ce dont on a besoin en voyage c'est une machine à écrire portable, un tire-bouchon, un canif et un petit sac rempli de chaussettes et de sous-vêtements".

Finalement ce bougre de Bukowski donne envie de lire ou relire Bukowski.

 

A lire aussi sur Froggy's Delight :
La chronique de "L'amour est un chien de l'enfer" de Charles Bukowski


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# 21 avril 2024 : Des beaux disques, des beaux spectacles, une belle semaine

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Du côté de la musique :

"Génération (tome 1)" de Ambre
"Out" de Fishtalk
"Take a look at the sea" de Fontanarosa
"Venus rising" de Trio SR9 & Kyrie Kristmanson
"Perpétuel" de Vesperine
"Liminal status" de Watertank
"The great calm" de Whispering Sons
"Keep it simple" de Yann Jankielewicz , Josh Dion & Jason Lindner
Quelques nouveautés en clips avec Isolation, Resto Basket, Greyborn, Bad Juice, Last Temptation, One Rusty Band, We Hate You Please Die
nouvel épisode du Morceau Caché, consacré à Portishead
et toujours :
"Kit de survie en milieu hostile" de Betrand Betsch

"Let the monster fall" de Thomas de Pourquery
"Etat sauvage" de Chaton Laveur
"Embers of protest" de Burning Heads
"Sin miedo" de Chu Chi Cha
"Louis Beydts : Mélodies & songs" de Cyrille Dubois & Tristan Raës
"Arnold Schönberg : Pierrot lunaire" de Jessica Martin Maresco, Ensemble Op.Cit & Guillaume Bourgogne
"C'est pas Blanche-neige ni Cendrillon" de Madame Robert
"Brothers and sisters" de Michelle David & True Tones
"Prokofiev" de Nikita Mndoyants
"Alas" de Patrick Langot, Alexis Cardenas, Orchestre de Lutetia & Alejandro Sandler
"Symptom of decline" de The Black Enderkid
"Tigers blood" de Waxahatchee
"Not good enough" de Wizard

Au théâtre :

les nouveautés :

"Sonate d'automne" au Théâtre Studio Hébertot
"Frida" au Théâtre de la Manufacture des Abbesses

"Preuve d'amour" au Théâtre du Guichet Montparnasse
"Après les ruines" au théâtre La Comète de Chalons En Champagne
"Objets inanimés, avez-vous donc une âme ?" au Théâtre du Guichet Montparnasse
"Royan, la professeure de français" au Théâtre de Paris
Notes de départs" au Théâtre Poche Montparnasse
"Les chatouilles" au Théâtre de l'Atelier
"Tant que nos coeurs flamboient" au Théâtre Essaïon
et toujours :
"Come Bach" au Théâtre Le Lucernaire
"Enfance" au Théâtre Poche Montparnasse
"Lîle des esclaves" au Théâtre Le Lucernaire
"La forme des choses" au Théâtre La Flèche
"Partie" au Théâtre Silvia Monfort
"Punk.e.s" Au Théâtre La Scala
"Hedwig and the angry inch" au théâtre La Scala
"Je voudrais pas crever avant d'avoir connu" au Théâtre Essaïon
"Les crabes" au Théâtre La Scala
"Gosse de riche" au Théâtre Athénée Louis Jouvet
"L'abolition des privilèges" au Théâtre 13
"Lisbeth's" au Théâtre de la Manufacture des Abbesses
des reprises :
"Macbeth" au Théâtre Essaion
"Le chef d'oeuvre inconnu" au Théâtre Essaion
"Darius" au Théâtre Le Lucernaire
"Rimbaud cavalcades" au Théâtre Essaion
"La peur" au Théâtre La Scala

Une exposition à la Halle Saint Pierre : "L'esprit Singulier"

Du cinéma avec :

"Le déserteur" de Dani Rosenberg
"Marilu" de Sandrine Dumas
"Que notre joie demeure" de Cheyenne-Marie Carron
zt toujours :
"Amal" de Jawad Rhalib
"L'île" de Damien Manivel
"Le naméssime" de Xavier Bélony Mussel
"Yurt" de Nehir Tuna
"Le squelette de Madame Morales" de Rogelio A. Gonzalez

Lecture avec :

"Hervé le Corre, mélancolie révolutionnaire" de Yvan Robin
"Dans le battant des lames"' de Vincent Constantin
"L'heure du retour" de Christopher M. Wood
"Prendre son souffle" de Geneviève Jannelle
et toujours :
"L'origine des larmes" de Jean-Paul Dubois
"Mort d'un libraire" de Alice Slater
"Mykonos" de Olga Duhamel-Noyer
"Des gens drôles" de Lucile Commeaux, Adrien Dénouette, Quentin Mével, Guillaume Orignac & Théo Ribeton
"L'empire britanique en guerre" de Benoît Rondeau
"La république des imposteurs" de Eric Branca
"L'absence selon Camille" de Benjamin Fogel
"Sub Pop, des losers à la conquête du monde" de Jonathan Lopez
"Au nord de la frontière" de R.J. Ellory
"Anna 0" de Matthew Blake
"La sainte paix" de André Marois
"Récifs" de Romesh Gunesekera

Et toute la semaine des émissions en direct et en replay sur notre chaine TWITCH

Bonne lecture, bonne culture, et à la semaine prochaine.

           
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