Adaptation théâtrale du roman éponyme de Victor Hugo conçu et mise en scène par Godefroy Ségal, avec Géraldine Asselin, François Delaive, Nathalie Hanrion, Alexis Perret et Boris Rehlinger.
L'adaptation pour la scène d'un roman historique est toujours une gageure qui pose la question de sa valeur ajoutée d'autant quand elle implique le resserrage et exclut la reconstitution, donc sans décor ni costume, telle que l'a conçue Godefroy Ségal en s'attaquant au monument littéraire foisonnant qui use de tous les registres de l'épopée au mélodrame et de tous les styles du naturalisme au lyrisme, qu'est "Quatrevingt-treize".
Godefroy Ségal relève le défi avec le parti pris d'une structure narrative composée de plans séquences qui rappelle celle des fictions historiques du temps héroïque de la télévision française des années 50-60, notamment la série "La caméra explore le temps", et la forme de la dramatique radiophonique avec des comédiens officiant, en tenue de ville, de manière frontale, sous deux écrans latéraux servant de support illustratif avec la projection de dessins en noir et blanc de Jean-Michel Hannecart réalisés dans 'esprit des eaux fortes de l'édition originale.
Ecrit en 1974 en résonance avec l'actualité contemporaine de la Commune, et dernier roman de Victor Hugo qui s'y fait le chantre de la réconciliation nationale, avec trois protagonistes principaux liés par des relations intimes mais devenus ennemis, Lantenac, Gauvain et Cimourdain, représentants archétypaux des forces en présence, les survivants de l'Ancien Régime, l'idéalisme républicain emprunt d'humanisme et le pragmatisme radical du révolutionnaire sans concession.
Brassant de nombreuses thématiques intemporelles relatives notamment à l'action révolutionnaire, la violence légitime et le bien public, "Quatrevingt-treize" aborde de manière didactique et réflexive la sombre période de la Terreur, durant laquelle s'est perpétré un véritable génocide franco-français, et plus précisément le printemps 1793 quand la Convention doit faire face non seulement à la guerre de coalition mais également à la guerre civile du fait de la révolte contre-révolutionnaire des royalistes et à la guerre "domestique" selon les termes de Hugo, la guerre intestine entre les politiciens.
Avec cing comédiens de la Compagnie In Cauda dont il est le fondateur, François Delaive, Boris Rehlinger et Alexis Perret, assurant l'interprétation de l'ensemble des rôles masculins, et Géraldine Asselin, excellente narratrice, et Nathalie Hanrion, parfaite dans les emplois mélodramatiques, Godefroy Ségal parvient à restituer l'abondance dramaturgique du roman dans lequel les destins individuels sont broyés par la l'Histoire et l'essence du propos politique avec, entre autres, une véritable scène d'anthologie, celle de la confrontation au sommet entre Danton, Robespierre et Marat.
De quoi réjouir tant les passionnés d'histoire que de Victor Hugo. |