Comédie de Alexis Vesigot-Wahl, mise en scène de Alex Waltz, avec Pascal Aubert et Alex Wahl.
Pour sa première incursion dans l’écriture dramatique, Alexis Vesigot-Wahl réussit un coup de maître avec "Des poissons dans les arbres", présentée comme une comédie insolite et pas bien pensante, qui s’avère une vraie comédie bien ficelée qui sort des sentiers battus de la pseudo-comédie contemporaine de mœurs et faits de société.
En effet, avec une intrigue ludique à suspense qui capte immédiatement l’attention du spectateur pour ne plus la lâcher jusqu'à un inattendu dénouement, il décroche de surcroît le pompon du manège en syncrétisant les registres souvent antinomiques que sont le rire, le suspense et la métaphysique pour composer un drôle de cocktail aussi rafraîchissant que roboratif.
Et, cerise sur le gâteau, avec une partition à rebondissements en cascade dotée de truculents dialogues en ping-pong pour deux solistes quasi beckettiens confrontés à l’essence de la condition humaine.
Rire parce que l’humour est toujours présent pour traiter avec légèreté de sujets graves et inversement, suspense parce qu’est menée une subtile enquête pour résoudre le mystère d’une étrange substitution de valise, et métaphysique parce que à l’instar de l’antienne de l’un des personnages qui a inspiré le titre de la pièce - "Quand on regarde les nuages se refléter dans l'eau, on voit des poissons dans les arbres" - qui évoque la caverne de Platon, la fameuse histoire de valise est comme l’arbre qui cache la forêt.
Deux hommes, une valise. En attendant Godot ? Peut-être. Tout commence avec un personnage affligeant de banalité, un clampin nommé Martin Loiseau, archétype de l’anti-héros ordinaire, qui, en transit un dimanche entre la gare et le bateau qui doit le mener à un archipel paradisiaque pour des vacances de rêve, se retrouve avec une valise qui n’est pas la sienne.
Mésaventure toujours épique surtout dans un pays étranger soumis à un régime bureaucratique digne des républiques populaires de l’Est de l’ex-rideau de fer pratiquant le "sunday is close" et face aux atermoiements tracassiers de l’employé du bureau des objets perdus qui, avec sa blouse grise et ses charentaises, à l’air, et la manière, d’un chef magasinier kolkozien.
En parfaite tenue illustrant la beaufitude balnéaire, chemisette à fleurs, short, chaussette et chaussures bateau, Alex Wahl campe parfaitement le naïf ahuri à la Tati qui atterrit dans un no man’s land kafkaïen.
La confrontation avec Pascal Aubert, désopilant en imperturbable face de carême qui cache bien son jeu, qui ressortit également au duo de clowns, est jubilatoire. |