Performance-spectacle écrite et mise en scène par Ahmed Madani, avec Boumes, Abdérahim Boutrassi, Yassine Chati, Abdelghani El Barroud, Mohamed El Ghazi, Kalifa Konate, Eric Kun-Mogne, Romain Roy et Issam Rachyq-Ahrad.
Avec "Illuminations", placé sous l’égide de Rimbaud, par son titre et sa référence récurrente avec le poème "le dormeur du val", devenu, en l'espèce, "le rêveur du Val Fourré, Ahmed Madani propose une performance-spectacle singulière pour évoquer le background des jeunes d’origine algérienne qui constituent la troisième génération de l’immigration post-coloniale.
Un spectacle est singulier à plus d'un titre car placé sous le signe de la dichotomie entre le réalisme social de la thématique, la partition qui ressortit au théâtre de paroles avec un texte qui pratique largement le symbolisme allégorique et de la licence poétique, la mise en scène esthétisante et chorégraphique qui privilégie l'aspect visuellement "spectaculaire" et une distribution atypique composée de trois acteurs et de six jeunes qui vivent dans un territoire infra-urbain qualifié de zone urbaine sensible, la cité du Val Fourré à Mantes-la-Jolie.
Mais même s'il évoque la ghettoïsation des grands ensembles, le "malaise des banlieues" et le racisme à l'envers qu'est la discrimination positive, Ahmed Madani n'aborde ni les problèmes d'acculturation ni les dérives du fanatisme religieux préférant parler des hommes de bonne volonté emportés dans la tourmente de l'Histoire.
Comme pour Fellag tous les Algériens sont des mécaniciens, pour Ahmed Madani tous les Algériens se prénomment Lakhdar et il remonte le fil des générations pour dresser un état des lieux qui rappelle les ravages du colonialisme et les barbaries de la guerre d'Algérie sur toute une génération d'hommes essentiellement d'origine rurale et viscéralement attachés à leur terre.
La deuxième vague ravageuse est l'émigration. Après l'indépendance, leurs fils ont quitté la terre natale en direction de l'ex-pays colon, naïvement perçu comme un eldorado, dont la plupart sans qualification professionnelle, se trouvent confrontés non seulement au déracinement mais également à la dureté de la situation du sous-prolétariat que constituent les manoeuvres, aggravée par un racisme ambiant.
Dans cette histoire d'hommes, dont les femmes sont totalement absentes, Ahmed Madani évoque également le cas particuliers des harkis, les supplétifs de l'armée française qui avaient opté pour la nationalité française dont le rapatriement en France s'est soldé par un parcage dans des camps.
Sur scène, sous une direction d'acteur au cordeau assurée par Ahmed Madani, neuf "men in black" assurent un étonnant spectacle choral qui remettra sans doute les pendules à l'heure pour certains acteurs dits "de métier".
Composé de tableaux à l'esthétique soigneusement élaborée et à la chorégraphie millimétrée qui visent notamment à la célébration des valeurs fondamentales, ce spectacle-performance, superbement porté par la fougue, l'engagement et la fraîcheur de ses interprètes, constitue le premier volet d'un triptyque réflexif sur la jeunesse des quartiers populaires intitulé "Face à leur destin". A suivre donc. |