Tragédie écrite et mise en scène par Farid Paya, avec David Weiss, Vincent Bernard, Cédric Burgle, Marion Denys, Guillaume Caubel, Xavier-Valéry Gauthier, Jean-Matthieu Hulin et Thibault Pinson.
Après une période plutôt mouvementée qui a vu la fermeture du Théâtre du Lierre, Farid Paya, d'origine franco-iranienne, qui en était le directeur, investit temporairement la nouvelle antenne du Théâtre 13, côté Seine et revient en quelque sorte à ses racines puisqu'il adapte avec "Rostam et Sohrâb" une épopée perse, célèbre en Iran, tirée du Shâh-Nânem (Le Livre des Rois) écrit au Xème siècle par le poète iranien Ferdowsi.
Le Livre des Rois, œuvre fleuve de plus de 120 000 vers, transcrit les légendes et mythologies iraniennes dans un style épique qui n'est pas sans rappeler les épopées d'un autre héraut, Homère.
"Rostam et Sohrâb" est le récit d'une quête initiatique, celle de Sohrâb, enfant prodigieux qui à 5 ans est déjà capable de mettre en déroute une armée, mais ignore qui est son père. Fils de la princesse Tahmineh du royaume de Tourân, opposé depuis toujours au royaume d'Irân, il apprend de la bouche de sa mère que son père n'est autre que le plus valeureux des guerriers d'Irân, Rostam et part alors à la conquête d'Irân afin d'en offrir le trône à son père qu'il compte retrouver là-bas. Le sort en décidera autrement, amenant les deux hommes à s'affronter jusqu'à la mort.
En choisissant cette œuvre mythologique plutôt méconnue en France à l'instar d'autres contes tels que les Mille et une nuits, Farid Paya a voulu rendre hommage à la culture de son pays, en découvrir ses bases fondatrices, mais a également mené une réflexion sur la transmission et la représentation des mythes et légendes.
Il fait la part belle au texte et à l'adresse des comédiens, véritables conteurs qui, tout à la fois, racontent l'histoire et incarnent leur personnage. Les chants et la musique de Bill Mahder, se mêlent aux dires afin d'exprimer ce qui dépasse la parole. Farid Paya rappelle ainsi l'importance de la transmission orale qui va de paire avec l'écrit dans ce qu'elle est tout à la fois subliminaire et complémentaire.
Il est cependant dommage que les chants ne soient pas en perse mais dans une langue imaginaire, qui a certes valeur universelle, mais enlève un peu du charme qui se dégage de l'ensemble. Farid Paya a sans doute voulu par ce biais ne pas tomber dans le folklore, choix compréhensible.
Sur un plateau sobre, uniquement orné d'une toile de soie brodée et d'une estrade de trois marches en fond de scène, les comédiens évoluent dans un ballet savamment orchestré, dont la gestuelle est inspirée des arts martiaux orientaux.
L'exubérance n'est pas dans le décor mais dans l'histoire elle-même, dense et riche. Cette sobriété ne se retrouve cependant pas dans les très beaux costumes, imaginés par Evelyne Guillin, colorés et travaillés.
Si la forme de l'épopée contée incarnée et chantée peut paraître à certains moments empesée et artificielle pour le spectateur contemporain, elle n'en demeure pas moins fascinante dans ce qu'elle permet de plonger au cœur de la culture persane et de découvrir une mythologie riche et, pour certains aspects, très similaire à notre propre culture occidentale, tragédie, guerres fratricides et parricides étant également au cœur de nos propres mythes. |