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Mark Safranko  (13E note éditions)  mai 2012

Avec la parution en rafale de trois opus d'une biographie autofictionnelle qui en comportera quatre et dont "Dieu bénisse l'Amérique" est le premier volet, 13e Note Editions, spécialisés dans la publication des "auteurs extrêmes sous haute tension" notamment d'Outre-Atlantique, révèlent en France l'écrivain américain Mark Safranko.

Représentant du courant "off-noir" de la littérature américaine post-moderne, situé au carrefour du néo-beat, du méta-réalisme et du roman noir, il pratique une écriture à vif avec une plume-scalpel qui, sans intellectualisme psychologisant mais avec une lucidité cynique et un humour ravageur, tranche dans la réalité sordide du quotidien des tranches de vie bien saignantes.

Plus encore car elles sont moulinées au hachoir et posées sur le grill chauffé à blanc pour que ça crépite bien à la manière des flame-grilled burgers.

"Dieu bénisse l'Amérique" est une plongée en apnée à la fois dans un microcosme social délétère et dans une enfance apocalyptique à travers lesquels l'auteur dresse un état des lieux sans concession de la société américaine et pulvérise les dogmes du rêve américain.

Mark Safranko raconte l'enfance et l'adolescence dans les années 50-60 de son alter égo Max Zajack. Le microcosme, c'est dans le quartier pauvre du centre de la ville manufacturière de Trenton, capitale de l'État du New Jersey, à mi-chemin entre Philadelphie et New York, la communauté polonaise avec la deuxième génération de l'immigration du début du 20ème siècle relativement repliée sur elle-même et qui reste engluée dans le sous-prolétariat.

C'est là que naît Max Zajack qui, à la grande loterie de la vie, n'a certes pas gagné le jackpot mais n'a même pas eu droit à un lot de consolation, dans une famille non seulement à l'hérédité chargée tant du côté maternel que paternel ("Comme la famille de Bash, les Zajack étaient tous un peu cinglés") mais composée de géniteurs abrutis et violents, dont la situation de laissés pour compte de la société n'est pas seulement due au hasard.

Les grands-parents, paysans polonais fuyant le bolchevisme, qui ont confondu la bannière étoilée avec Eldorado et terre promise, ont troqué la misère rurale pour la misère ouvrière. Et leurs enfants, les parents de Max, ont la poisse qui leur colle aux semelles entraînant frustration, rancoeur et amertume aggravées par la fierté atavique du tempérament polonais et la tendance à la picole.

Après la guerre et une tentative ratée de s'établir à son compte, grugé par un associé peu scrupuleux et plus malin, le père, incapable de garder même un boulot de merde, est revenu la queue entre les jambes dans sa ville natale et s'est illico fait mettre le grappin dessus par une fille psychotique, plaquée à la veille de son mariage, qui a vu en lui, gros bêta plus jeune qu'elle, l'occasion de se caser.

Le père désillusionné, raté professionnel faute d'avoir les moyens de ses ambitions, qui partage son temps entre l'usine et le bar et la mère, devenue une furie maniaque, crèvent d'humiliation de devoir travailler pour les autres, les nantis qui ont su saisir leur chance ("Mais attention, je dis pas qu'ils le méritent pas ! Ce sont les Etats-Unis d'Amérique, merde ! Tu peux avoir ce que tu veux dans ce pays tant que t'as de la volonté et que tu travailles dur ! Tu vois, Max ?").

La vie familiale est un ring permanent dans lequel le premier enfant, bien évidemment non désiré dans ce mariage sans amour et bouc-émissaire idéal et sans défense, sert de punching-ball quand ils ont fini de s'insulter et de se battre comme des chiffonniers.

Max ne connaîtra jamais les privilèges de l'enfance que sont l'innocence, l'insouciance et le bonheur. Aucune cruauté physique ou mentale ne lui sera épargnée et le seul malheur auquel il échappera, c'est la pathologie infantile de l'enfant-roi.

Battu comme plâtre pour tout et pour rien, pour être simplement là, victime expiatoire de la nullité de ses parents, enfant chétif souffre-douleur de ses camarades de classes, adolescent qui se trouve toujours au mauvais endroit au mauvais moment, sans amour, ni affection ni considération ("A la maison, la violence était le seul motif pour se toucher. Ni baisers, ni câlins").

Et malgré son karma pourri dont il a vite la prescience ("Une chose est sûre, d'entrée de jeu, c'était mal barré") ce qui lui évite de s'apitoyer sur son sort, Max Zajack est une figure héroïque qui survit à la tragédie de la fatalité. Un miraculé d'une enfance ravagée.

Parce que la pulsion de vie est la plus forte et qu'inconsciemment cet enfant élabore de manière intuitive une véritable stratégie de survie.

Pour survivre à ce déferlement de violences il faut, d'une part, ne pas opposer de résistance physique, afin de ne pas y laisser sa peau ("Au fil du temps, j'ai appris à endurer le supplice avec un plaisir presque masochiste. Le paternel ne pouvait pas me détruire - c'était ce que je me répétais").

D'autre part, et simultanément, décrocher mentalement pour ne pas sombrer dans la folie ("Mon cerveau exténué éclatait en des millions de fragments acérés. Soudain, j'avais la capacité de m'observer, assis à cette table de cuisine minable, je réfléchissais sur les nombres devant moi, tandis que ma conscience était ailleurs").

Et de plus, malgré le désespoir ambiant ("Quand le présent n'est qu'une coquille creuse, on n'a plus rien à attendre de la vie"), il s'accroche d'autant plus qu'il ne renonce pas à la vie et qu'une petite flamme brille en lui ("Curieusement, je voulais vraiment devenir quelqu'un. Quelqu'un de talentueux. Mais dans quel domaine ? A quoi étais-je bon ? A en croire le paternel, à rien. Comment échappait-on à une telle malédiction ?").

Maints épisodes de cette enfance en enfer prouvent que les étoiles du drapeau américain ne brillent pas pour tout le monde et illustrent le revers de la médaille du rêve américain, beaucoup d'appelés mais peu d'élus, un rêve qui peut tourner au cauchemar pour ceux qui ont les épaules trop étroites pour affronter le dogme du self-made-man ce que ne pardonne pas une culture basée sur la réussite et sur le principe de la méritocratie ("Where there is a will, there is a way").

L'écriture d'un naturalisme contemporain est vive et à l'image tragi-comique de la vie avec ses drames et ses moments de fausse accalmie, des portraits presque rabelaisiens et des épisodes picaresques, car tout toujours chez les Zajack tourne sinon au drame du moins à la déconfiture, alternant la tragédie, le comique et le pathétique.

Le chapitrage bref fait de chacun de ces moments une short-story, une nouvelle avec une leçon de vie et quasiment une morale implicite dont la lecture captivante en fait, selon la terminologie contemporaine, un vrai "page-turner".

Saisi par l'effroi, sonné plus d'une fois et mis au tapis, avec parfois le souhait d'incrédulité face aux turpitudes endurées par le jeune garçon, remué par le visage de cette Amérique, le lecteur se surprend aussi à rire parfois, souvent même entre deux uppercuts.

Un autre miracle, sans doute, celui du verbe truculent de Mark Zafranko, à découvrir d'urgence.

 

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La chronique de "Travaux forcés" du même auteur


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# 14 avril 2024 : En avril, de la culture tu suivras le fil

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