Textes de Madame Simone et François Porché, mise en scène de Priscilla Cheron-Caroni, avec Marc Bouiri, Yves-Pol Deniélou, Hugues Popot, Geoffrey Mohramann, Michaël Hirsch, Léonard Bourgeois-Taquet, Priscilla Chéron-Caroni, Delphine André, Charlotte Herbeau, Athéna Zelcovich, Caroline Cousin, Laura d'Aboville, Margot Luciarte et Anne-Françoise de Veth.
Priscilla Cheron-Caroni a réuni, et mis en scène, pas moins de treize de ses homologues du cours d'art dramatique de Jean-Laurent Cochet dans une partition pétillante d'humour et d'esprit écrite par deux personnalités du théâtre du début du 20ème siècle et du Tout Paris des années 20 qui n'en manquaient pas, la grande comédienne connue sous le nom de Madame Simone et son mari, l'écrivain, poète et auteur dramatique François Porché.
"Le lever du Soleil" évoque le début du règne de Louis XIV alors que jeune homme, encore sous l'emprise de sa mère l'archiduchesse Anne d'Autriche et sous le joug du Cardinal de Mazarin, il se trouve pris en étau entre son premier amour pour une des nombreuses nièces du cardinal et la raison d'Etat qui lui impose un mariage princier.
L'intérêt de cette pièce, outre la qualité de ses répliques due à la qualité de ses auteurs qui connaissaient bien l'art théâtral, est de de faire un grand écart stylistique entre la comédie (pseudo)historique et le drame romantique avec une construction articulée autour de l'amour impossible et de deux couples en miroir déclinée en scènes symétriques d'élan amoureux entre l'amour d'automne de la reine et du cardinal et de l'amour de jeunesse du roi pour une des nièces de ce dernier - et de confrontation familiale quand le drame se noue.
Priscilla Cheron-Caroni, qui assure une mise en scène classique sans décor, juste quelques accessoires, mais en costumes, campe une Anne d'Autriche pétulante qui vibre tout autant d'amour maternel pour son rejeton que des feux de l'amour pour le cardinal avec lequel elle entretient une relation étroite et secrète.
Le péril commun est un lien puissant dit à ce propos le cardinal dont Marc Bouiri incarne à la perfection l'intelligence machiavélique qui ne se départit jamais ni de son calme impérieux ni de ses proches que sont ses neveux et nièces qu'il instrumentalise (Michaël Hirsch, Charlotte Herbeau, Athéna Zelcovich, Caroline Cousin, Anne-Françoise de Veth, Margot Luciarte et Laura d'Aboville à l'apparition remarquée qui, en quelque sorte, tire la leçon de cette aventure) envers lesquels il se comporte comme un "adjudant de campagne à l’heure du rapport".
Hugues Popot donne à Longo Ondedei, l'exécuteur des basses oeuvres du cardinal promu évêque de Fréjus, la rondeur pateline d'un curé de la Chaussée aux Moines et Geoffrey Mohrman est désopilant dans le rôle du Petit Monsieur frétillant avec son mignon joué par Léonard Bourgeois-Taquet.
Le couple d'amoureux est excellemment interprété par Yves-Pol Deniélou et Delphine André qui se montrent aussi justes dans les différents registres du badinage amoureux que de rébellion.
Dans le rôle de Marie Mancini, jeune fille tout juste sortie du couvent dont la reine, perspicace, craint un amour intéressé, et dont elle dit "Je la trouverai presque jolie si je ne la savais pas si laide" et qu'elle se bâtit des châteaux en France, Delphine André parvient à laisser planer l'ambiguïté jouant à ravir de la naïveté émouvante et spontanée de l'amoureuse, de la préciosité de la jeune femme et de la détermination de celle qui veut avoir un destin.
Yves-Pol Deniélou manifeste les mêmes qualités d'interprétation en termes de justesse de jeu et de registre pour incarner l'engouement de la jeunesse, le conflit entre le droit au bonheur de l’homme et les devoirs du rang et de la charge et le douloureux renoncement faute d'avoir les moyens politique de ses ambitions.
Un spectacle réussi rondement mené par une troupe au jeu homogène qui dispense une partition aussi émouvante que divertissante. |