Près de quinze ans après ses débuts, Le Peuple de l'Herbe sort en 2012 un sixième album, qui l'éloigne des sentiers déjà battus du drum'n'bass de ses débuts, du dub, de la jungle. De quoi y faire perdre son latin à tout le peuple de ses adorateurs.
Cuivres, groove, approche plus funky, ambiance souvent très rétro, Le Peuple de l'Herbe livre finalement avec A Matter of Time, son album le plus Motown – ce qui ne lui interdit pas un détour par le hip-hop francophone ("Parler le Fracas, (feat Marc Nammour)", M.C de La Canaille). Avec toujours cet amour de l'exploration, du collage, de l’inattendu iconoclaste, Le Peuple de l'Herbe confirme surtout qu'il prend parfaitement au sérieux les possibilités offertes par la musique électronique, par essence transfrontalière plutôt que condamnée à un ghetto narcotico-festif.
De cette volonté d'évoluer, de se renouveller, de ne pas s'enfermer en soi-même, on est reconnaissant au Peuple de l'Herbe, qui aurait facilemnt pu se laisser tourner la tête pas son propre succès. Reste qu'A Matter of Time reste quelques crans en-dessous des meilleurs opus de la formation (disons : P.H. Test / Two ou Radio Blood Money), même s'il a ses bons moments. L'énergie est toujours là, le savoir-faire aussi, mais il manque probablement un peu de souffle, d'envie, d'urgence à tout cela.
Certainement l'ivresse de la scène nous détromperait-elle, le temps d'une soirée ; mais en disant cela, on ne fait finalement que raviver la très ancienne et très démodée question de l'intérêt de mettre sur disque certaines musiques taillées pour l'expérience live – de la même façon que l'on peut parfois se demander à quoi bon aller s'entasser dans l'inconfort de salles bondées pour voir et entendre dans des conditions discutables ces musiques dont le lieu naturel semble être l'intimité d'un disque écouté en solitaire. Il aurait fallu à ce A Matter of Time un petit supplément d'âme pour s'élever à la richesse de l'album que l'on réécoutera encore et encore, inlassablement... |