On ne donne souvent pas cher des reformations tardives des gloires musicales passées. Surtout lorsque ces gloires frayaient dans les eaux d'une révolte délicieusement juvénile, avec tout ce que cela peut supposer d’extrémisme, de court-termisme, d'agitation. Wouldn't it have been better to burn than to keep on fading away ? Qu'en pensez-vous, Dr Rotten ?
Si l'on a souvent raison de se méfier de ces contrefaçons en réalité seulement commerciales, il y a néanmoins quelques occasions de se réjouir d'un retour réussi des héros du passé. C'est ce que les Nightingales de Robert Lloyd semblent avoir réussi.
Bien que dispersé en 1986 après trois albums et quelques années épiques, c'est au vingt et unième siècle que le groupe a écrit plus de la moitié de sa discographie (et de l'histoire de ses changements de lineup). Depuis sa reformation de 2004, il est en effet l'auteur de quatre albums vigoureux : Out of true (2006), What's not to love (2007), Insult to injury (2008) et ce tout récent No love Lost, son premier chez Cooking Vinyl Ltd, qui pourrait bien être son meilleur geste studio à ce jour.
Les hommes ont changé, vieilli, le son s'est épaissi ; pourtant l'esprit original est suffisamment là pour que l'on continue de parler d'un groupe punk-alternatif britannique, avec dans les veines suffisamment d'acide et de bière pour que l'on sente d'ici le parfum d'une Birmingham récessive que ne renierait pas le Ken Loach le plus colérique. Les compositions, elles, n'ont rien de bas du front, et l'énergie déployée, impressionnante, ne retire rien à leur finesse. On louvoie dans un univers à la rugosité délibérée, au langage peu maniéré, où le beuglements tutoie l'intelligence. Un univers de vieux loups de mers brisés, d'hommes fatigués mais fiers, qui élèvent la décadence en art de se tenir droit, qui s'autorisent toutes les démesures – surtout celle d'être soi-même démesuré. Quelque part dans les mêmes eaux noires que Grinderman, les Cramps, Gallon Drunk.
"I was as dry as a dead nun's cunt in the desert", chante Lloyd en ouverture de l'album. Et l'on espère que cette traversée du désert n'est pas terminée. |