Montage de textes de Jon Fosse, mise en scène de Sandy Ouvrier, avec Yacine Ait Benhassi, Pauline Bolcatto, Clément Bondu, François Deblock, Julien Drion, Kevin Garnichat, Pierre Giafferi, Sofian Khammes, Sylvain Levitte, Yasmine Nadifi, Clara Noël, Hélène Rencurel, Juliette Savary, Anaïs Thomas, Bertrand Usclat et Damien Zanoly.
Sandy Ouvrier, comédienne, metteur en scène et professeur d'interprétation au CNSAD, y présente toujours dans le cadre des représentations publiques destinées à montrer le travail des élèves, des propositions d'une qualité exceptionnelle tant en ce qui concerne la direction d'acteur - au cordeau - que l'intelligence et la qualité de l'approche d'une oeuvre et de la proposition théâtrale conçue non comme un exercice d'école mais un véritable spectacle.
Après des mises en résonance - inattendues et époustouflantes - d'auteurs tels Sénèque et Martin Crimp, dans "Tendre et cruel, Hercule" et Racine vs Jean-Luc Lagarce dans "Tribus intimes", elle aborde, avec un savant et pertinent montage de scènes de quatre opus du dramaturge norvégien Jon Fosse qui opère des variations sur un même motif - "Quelqu'un va venir", "Hiver", "Et jamais nous ne serons séparés" et "Rêve d'automne" - une passionnante exploration du couple et de l'amour.
Car les amants de Jon Fosse, outre le principe d'incommunicabilité et l'état de désarroi existentiel fondamentaux dans lequel il place tous ses personnages, se heurtent toujours à l'impossibilité d'écrire leur histoire dans le bonheur.
Et surtout, ce qui n'est pas le moindre, elle donne à entendre un auteur particulièrement difficile à monter dont le verbe est celui de personnages vivants alors que la plupart du temps il est véhiculé sur scène par des fantômes pétrifiés dont les quelques brides d'affects ne semblent que le souvenir d'une onde de choc appartenant au passé.
Car mettre en scène les pièces de Jon Fosse n'est pas une mince affaire en raison notamment de la langue minimaliste et ressassée qui navigue entre l'hypnotique et la monotonie, à l'absence d'intrigue et aux personnages ordinaires qui sont des archétypes poussés aux limites de l'indéfini.
En l'occurrence, le travail conséquent - et réussi - de Sandy Ouvrier se manifeste dès les premières minutes quand, métaphore de la transmutation, théâtrale mais également de l'univers ordinaire dans lequel vivent les héros anonymes de Jon Fosse, sur une musique lancinante, les élèves arrivent un par un du noir de la salle pour monter sur la scène nue, hors quelques éléments rudimentaires de mobiliers, y endossent le vêtement de leur personnage et regardent le public.
Difficile à monter donc, mais tout aussi difficile à interpréter et les élèves des trois promotions confondues relèvent le défi de manière convaincante.
Si ceux de première année sont encore un peu "verts" et certains de la promotion sortante décevants ou, baissant la garde, déjà en sur-jeu, la bonne surprise vient incontestablement des élèves de deuxième année. Cela étant, ce jour-là d'aucuns se démarquent.
Dans les premières scènes extraites de "Quelqu'un va venir" dans lesquelles la relation d'un couple, qui a décidé de vivre dans une maison isolée pour être "seuls ensemble" loin de la menace que constituent les autres, se dégrade par l'effet d'une inconsciente stratégie de l'échec, Damien Zanoly, très à l'aise également dans le registre de la comédie ("Bain de vapeur", "Les précieuses ridicules") est excellent dans un jeu en tension qui éclate par bouffées de violence.
Tout comme Clara Noël et Pauline Bolcatto, dans deux déclinaisons du même personnage, la première, dont les traits évoquent par leur fraîcheur et leur limpidité ceux de l'actrice Claude Jade, au jeu affirmé et sobre et la seconde, avec un large front et de grands yeux à la Vanessa Paradis, en insufflant au personnage une sensualité vénéneuse.
Dans "Hiver", rencontre de deux êtres à la dérive, lui apparemment employé, mari et père modèle qui tombe dans une sorte de faille spatio-temporelle en étant accosté par une prostituée qui s'agrippe à lui, se démarquent Sylvain Levitte qui a déjà brillamment foulé les planches ("Le garçon du dernier rang", "Cérémonies") et Juliette Savary qui manifeste une belle "nature". |