Deuxième jour : Today is the day (samedi 30 juin)
Dès l'ouverture des portes du festival, la fébrilité gagne déjà visiblement les corps et le vague à l'âme qui se lit dans certains regards lointains de festivaliers n'est pas seulement synonyme de fatigue : l'impatience épuise, et l'incarnation du rêve, qui ce jour-là porte un nom : The Cure, peine à prendre forme, sans doute, dans les esprits...
16h45 – Grande scène
J'ai découvert Sallie Ford and the Sound Outside il y a quelques mois : le groupe passait à La Vapeur, à Dijon, je ne pouvais aller les voir, ainsi me suis-je procurée Dirty Radio, premier album du groupe. A l'écoute, le rockab' semble bien pensé, bien léché, mais pourrait être taxé – c'est d'ailleurs le reproche essentiel entendu ici ou là – de déjà-vu.
Mais ce serait, me semble-t-il, légèrement cracher dans la soupe qui, je vous le rappelle est parfois bien meilleure, comme dit le proverbe, quand elle est faite dans un vieux pot. Ici la marmite musicale de Sallie Ford n'a sans doute rien d'"innovant" – terme épouvantable entre tous –, mais ce serait oublier ce qui fait la force de ce groupe : Sallie Ford elle-même, charismatique, dans son espièglerie manifeste et son petit rire charmant. Sa voix se révèle inclassable, modelée par un accent à couper au couteau. Le groupe nous gratifie de quelques morceaux de son album – "Danger", petite perle, bien que love song pour midinette –, mais aussi de nouveaux titres d'un nouvel album qu'on espère en cours. Entre deux morceaux, Sallie fait suivre des applaudissements nourris d'un petit "merci" jovial et bienheureux, rigole de bon cœur, siffle sa Heineken sans complexe, nous dit aimer l'été. On appréciera ce set sans pose, tout en naturel, qui peut-être aurait été plus pertinent programmé sur La Plage...
17h30 – Club Loggia
Pour les avoir découverts grâce à une session acoustique filmée ici-même, pour Froggy's Delight, pour les avoir déjà vus et photographiés en mai au festival Changez d'air, j'avais finalement hâte de revoir les Frànçois and The Atlas Mountain. "Finalement", parce que leur musique a, d'une certaine manière, tout pour déplaire, dans cette bizarrerie assumée des textes et de la musique, difficilement catégorisable pour l'auditeur lambda. La pop – pardon : l'indie pop afrobeat, s'il vous plaît – est planante, tantôt faussement simpliste en raison de l'aspect lancinant de certains titres, tantôt clairement complexe dans son indéniable diversité musicale. Le tout se trouve (bien) porté par un chanteur aux allures d'éphèbe des temps antiques, dont les déhanchements subtils occupent à bon escient l'espace scénique, dont les regards de connivence avec ses musiciens en font un groupe complice et plutôt sympathique. Ainsi, voir Frànçois and the Atlas Mountain en live constitue une "expérience" musicale spécifique à recommander – et, pour cet été, vous avez le choix : ils se produiront aux Francofolies de La Rochelle et aux Nuits de Fourvière.
18h15 – Grande scène
Enfin, murmuré-je tout bas. LE groupe de métal de week-end arrive, Mastodon, et qui fait preuve très vite d'une dextérité technique incontestable dans un set, somme toute, et malheureusement, plutôt académique. Le groupe joue essentiellement son dernier album, The Hunter, avec quelques excursions, néanmoins, dans ce que beaucoup considèrent comme leur meilleur album, Crack The Skye. On s'étonnera, de plus, de réentendre deux fois le même titre dans le même set : pour le dernier concert de leur tournée, un peu plus de spontanéité et un peu moins de "professionnalisme" auraient été appréciés...
19h15 – Green Room
Place à la réelle découverte du jour pour moi : Thee oh Sees. Pour mon plus grand bonheur, le set se révèle complètement déjanté – et le mot est faible – grâce aux transes frénétiques de John Dwyer et à l'allure improbable du guitariste, Petey Dammit. De la sueur, des tatouages, de la salive – beaucoup, beaucoup de salive –, et un bon gros rock garage bien dégueulasse comme je les aime... Le groupe n'a plus de dates en France cette année. Dommage pour vous.
20h15 – Grande scène
Dropkick Murphys ou l'indéniable – et un peu trop commerciale à mon goût – programmation "festive" de la soirée : ce punk rock aux accents celtiques dans la droite lignée The Pogues agite un public qui brandit des drapeaux... bretons. Pour tout dire, on se croirait à la Saint-Patrick, un 17 mars : musique et climat confondus. De telle sorte qu'on se demande un peu si le public danse la gigue par plaisir ou par nécessité (histoire de se réchauffer, par exemple).
20h50 – La Plage
Ça se gâte. Sévère. Les festivaliers ont le nez en l'air, commencent à sortir la petite laine et les ponchos multicolores. Sur la Plage, le vent souffle, et Kavinsky se ramène, dans un tonnerre... d'applaudissements. Si j'ai pu parler de "folie C2C" pour le vendredi des Eurocks, là nous pourrions évoquer la furie Kavinsky. Lui, lunettes noires, débarque visiblement confiant. Dans une rage d'électro électrique, l'orage interrompra son set, et son inlassable tube "Nightcall"... Mais ce choix est le bon et l'événement se révèle bien maîtrisé : l'alerte "orange" et des consignes seront diffusées sur les écrans géants. En tout cas, rien ne semble faire peur aux festivaliers... fidèles à leur scène et à leurs artistes.
??h?? : Grande scène
Annulé. Reporté. Annulé. Reporté. Ok, on y va. Les organisateurs, bien malgré eux on s'en doute, jouent à ce petit jeu diabolique pendant une bonne heure. Et puis des cris. Une clameur, lourde, puissante, qui monte d'un public à présent détrempé, dissimulant peut-être une larme d'impatience et de joie mêlées. Avoir un mythe vivant dans le viseur de son objectif a quelque chose de tout à fait périlleux d'un point de vue cardiaque. Autour de moi, dans la fosse, des modes "rafale", des bousculades de photographes nerveux à la recherche de "la" photographie. Robert Smith, visage blanchâtre dans une lumière blafarde, apparaît, et se permet cette petite modestie qui nous arrache un sourire : "Thank you for waiting". Et le concert-marathon de The Cure fut. |