Portrait de La Fontaine d'après le texte éponyme de Jean Giraudoux, mise en scène de Nathalie Hamel, avec Laurent Brusset (ou Alexandre Varnière), Nathalie Hamel (ou Hélène Robin) et Alain Michel (ou Bernard Lefebvre).
Comme il dota sa ville natale, bourgade limousine qui ne peut s'enorgueillir d'aucune personnage illustre d’envergure nationale, d'une statuaire grecque avec le fameux "Apollon de Bellac", Jean Giraudoux, fin lettré qui ne manquait pas d'humour potache, lui trouva un poète illustre d'adoption en la personne de Jean de La Fontaine qui y fit un bref séjour.
Il entreprit d'en écrire la biographie tempérée, sous forme de doctes mais tout aussi aimables qu'ironiques conférences placées sous l'égide de thématiques qui lui semblaient scander la vie du fabuliste et qu'il nomma "Les cinq tentations de La Fontaine".
Jean-Dominique et Nathalie Hamel y ont puisé de quoi présenter au public un portrait de l'homme méconnu, mythifié comme le "bon La Fontaine", réduit à un auteur de poésie enfantine et, par occultation de ses contes licencieux, à ses fables réserve inépuisable de pensums récitatifs pour les scolaires, que Giraudoux rétablit dans leur vérité, la peinture de la vérité du monde qui est celle d'une "catastrophe universelle" et d'une "oeuvre cynique et dure" dépourvue de morale.
Fidèle à la structure originelle, le spectacle prend donc la forme d'une conférence dispensée par Jean Giraudoux, interprété par Alain Michel, émaillée d'intermèdes empruntés à l'oeuvre de Lully et de Couperin et surtout de saynètes dans lesquelles interviennent le poète de Château-Thierry et la dame de Livry pour illustrer de fables le propos.
Nathalie Hamel prête sa pétulante rondeur à Madame de Sévigné, qui fut l'amie de La Fontaine et n'hésite pas à se faire tortue rouée et doux agnelet le temps d'une fable, ainsi que sa voix de mezzo-soprano pour un air de de Vivaldi.
Laurent Brusset campe parfaitement le poète sans fortune qui, pour la plume, abandonna sa petite vie bourgeoise et sa charge de maitre des eaux et forêts et dut se résoudre à vivre du mécénat, devenant "adulateur à gages" comme le qualifie Giraudoux, l'épicurien et le libertin qui n'a pas connu la passion amoureuse et le dramaturge raté qui écrivit les "contes des mille et un jours".
De quoi réviser ses classiques...
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