Aussi incroyable que cela puisse paraître, je viens de lire un livre qui parle de football.
En vérité, ce n'est pas tout à fait le sujet principal de prime abord, simplement il est la raison même de l'existence de ce livre.
Football Factory de John King raconte en effet quelques moments de vie choisis d'une bande de supporters de foot anglais et en l'occurrence du club de Chelsea. Et pour préciser tout à fait la chose et à dire vrai toucher précisément au sujet de l'ouvrage, il est question de hooligans.
Plus qu'un roman, Football Factory a la double vertu d'être quasi documentaire sur le hooliganisme et un récit social sur l'Angleterre.
C'est du Ken Loach sur papier et ce ne serait pas surprenant d'y voir un jour ses images associées.
C'est donc avec une poignée de personnes, pas toujours les mêmes, que nous partagerons au gré des matchs quelques tranches de vies de ces bandes organisées pour cogner.
Et au final, non seulement c'est intéressant socialement parlant mais c'est plutôt rassurant pour le supporter de foot lambda que vous êtes peut-être (mais pas moi).
Car ce que nous dit John King, et le garçon est bien placé pour le savoir, c'est que les hooligans ne sont pas de mauvais gars et surtout ne se cognent qu'entres eux. Et qu'on ne viennent pas leur parler du Heysel, incident isolé autant que malheureux, ni du manque de savoir-vivre espagnol en ce qui concerne les affaires de bastonnades.
Au gré ce quelques rencontres sportives donc, faisant pas la même occasion office de chapitrage, que ce soit à l'extérieur ou sur leur stade, on fait la connaissance de gens ordinaires, des gars qui n'ont pas des situations sociales particulièrement rêvées mais pas non plus des miséreux. Certains sont mariés, pères de famille, d'autres célibataires en attendant des jours meilleurs. Manutentionnaire, chômeurs, qu'importe.
Ce qui compte, c'est de se retrouver avant chaque match, boire quelques bières, retrouver la bande du club adverse aux abords d'un pub ou sur le chemin du stade et se foutre sur la gueule violemment (mais en respectant quelques règles de savoir cogner) et surtout se jouer de la police, challenge rendu difficile par l'omnipresence des caméras de surveillances et totalement impossible à l'intérieur des stades.
Et puis ensuite bien sûr, il y a le match parce que ces supporters là sont aussi des supporters normaux et savent reconnaître le beau jeu même chez les "feujs" de Tottenham. Après le match, c'est reparti pour le pub, les filles, le retour à Chelsea en autocar, les pansements sur les plaies et le boulot du lundi en attendant le prochain match. Idéalement un derby avec un autre club londonien, le pied total, évidemment.
On découvre au travers des gens ordinaires, presque attachants, qui n'ont pas de haine profonde, même pas de conscience politique bien incapable de se classer dans un camp ou un autre. Les "feuj" et les "nègres" ne sont ainsi traités comme tels que parce que c'est comme ça qu'on dit chez eux, le politiquement correct n'étant même pas une notion qui leur a effleuré un jour l'esprit. Mais quand l'équipe nationale joue, c'est tous unis qu'ils iront supporter leur équipe, même en Espagne d'où ils rameneront même de bons souvenirs.
Ce récit fictionnel est à n'en pas douter proche du vrai. Il est quasi documentaire et sans rendre sympathiques ces garcons au curieux hobby, il les rend pour le moins attachants et on se prend à souffrir des arcades éclatées, à craindre les embuscades tendues et à regretter les brutalités policières, ces "hooligans comme nous mais payés pour le faire".
La vie n'est pas rose dans le Londres de John King fait de classes ouvrières à la dérive méprisant tout et n'importe quoi, des chinois aux indiens en passant par les filles (toutes des s... évidemment) et surtout les supporters des autres clubs. Un Londres où la violence canalisée est un sport, un défouloir et un exutoire.
En tout cas, vous pouvez aller au stade tranquille, toutes ces petites parties de bras de fer entre bandes sont bien organisées et vous ne courez aucun risque. Mais ne laissez pas votre voiture sur le chemin tout de même...
Football Factory est un très intéressant ouvrage sur ces fameux hooligans, souvent diabolisés et montrés du doigt. A lire si vous vous intéressez au foot mais surtout si vous vous intéressez à l'Angleterre. |