Personnellement, je l’aime bien moi, la Sœur Emmanuelle, même si je devais la croiser et que je devrai l’appeler "ma sœur" alors que ce n’est pas ma sœur, (vu que les miennes ont environ 80 ans de moins), mais qu’elle ressemble un peu à ma mémé quand elle sourit, avec ce sourire qui plisse tout ce visage. Oui, je sais, elle est morte, et populairement parlant, c’était un drame, vu qu’elle ressemblait à 400 millions de mémés !
Angela Silvestrini, italienne et francophone est aussi tombée sous le charme de cette mamie pas comme les autres, un beau jour de l’an de grâce 1996, à Rome. Elle l’a ensuite beaucoup côtoyée, notamment au sein de la Communauté de Sant’Egidio (une joyeuse bande d’activistes anonymes œuvrant pour la paix… c’est cool hein ?). Puis, trois ans après sa mort, elle décide de façon tout à fait désintéressée (hum) de rassembler les entretiens avec Sœur Emmanuelle dans un bouquin, une sorte d’évangile pour les tristes : Je suis la femme la plus heureuse du monde.
Attention aux acheteurs crédules ! Ce livre ne contient pas de simples inédits faisant croire au septième ciel, il décrit l’état d’esprit de Sœur Emmanuel, qui se croyait réellement la femme la plus heureuse du monde… et qui avait certainement raison en plus ! Chouette ! Surtout qu’elle a atteint cette sagesse au respectable âge de (voyons voir.. hum) 96 ans ! J’ai encore du temps devant moi avant d’en arriver là !
Blague à part, sans faire de mysticisme, sans cynisme ni prétention à la conversion (elle était religieuse tout de même, en voilà un sacré choix de vie !), elle n’a jamais cessé de voir le bien en chacun, de croire que le doux l’emporte toujours sur le rude, un peu comme le côté jaune de l’éponge à double face, c’est plus pénible d’enlever les tâches incrustées avec, il faut frotter plus fort et plus longtemps, mais une fois propre, la surface est intacte… J’imagine que la comparaison avec Spontex n’est pas la plus judicieuse, mais elle illustre la ténacité de Sœur Emmanuelle à croire en chacun, tout simplement. Et croyez-la, ce n’est pas facile tous les jours, même pour elle !
Il parait que personne n’est irremplaçable, que les cimetières sont bondés de gens biens morts trop tôt, que nous sommes que des grains de sable dans l’immensité planétaire, que nous ne sommes que des poussières parmi les poussières, j’aime croire que Sœur Emmanuelle valait plusieurs gouttes d’eau dans la mer.
On dit que ceux qui n’ont rien connaissent la valeur de la vie. Si vous voyiez les sourires des enfants à l’hygiène douteuse, certainement pouilleux (voire pire), jouant dans la crasse des bidonvilles du Caire, vous regarderiez vos enfants boudeurs dans le confort d’un canapé trois places flambant neuf d’un autre œil. Oui, je sais, on vous l’a déjà faite celle-là, mais quand même, vous feriez exactement comme vos parents et les parents de vos parents avant vous : vous leur diriez "tu sais, sois heureux, il y en a qui meurent de faim dans le monde, qui n’ont pas tout ce que tu as et qui sont heureuxe, et vos chers et tendres bambins vous jetteront à peine un regard embrumé de reality show et de tartine au Nutella, en pensant "mais quel ringard !" jusqu’à ce qu’ils aient votre âge et qu’ils se rendent compte à quel point c’était vrai, et ils se tourneront vers leurs progéniture geek pour leur proférer les mêmes sagesses. Vous connaissez la suite...
En me mettant le doigt dans l’œil jusqu’au coude, je me croyais franchement incapable de faire ce qu’elle a fait, c’était parce que je n’avais pas compris. Je peux en faire autant, seulement, au lieu de pester contre les prix des billets d’avions, et que "l’humanitaire c’est pour les riches qui ont de quoi se payer un séjour en Afrique", je peux aussi m’inquiéter de ce qui se passe juste en bas de chez moi, simplement en "cherchant à diffuser le plus possible de joie autour de moi"… et sérieux, c’est pas de la tarte, mais je crois que ça marche ! |