Le jour se lève bien tôt, après une très courte nuit. Heureusement, le ciel est légèrement couvert et laisse un brin de répit avant l’arrivée de la chaleur qui rend l’atmosphère du camping irrespirable. Direction la plage pour quelques heures de récupération ; ce soir l’affiche est assez pauvre si l’on excepte la présence de la légende Bob Dylan et les interrogations qui l’accompagnent, si l’on se réfère aux critiques de ses dernières prestations.
Les hostilités commencent à 18h, un horaire que j’affectionne car c’est parfois l’occasion de tomber sur des pépites, dans des conditions d’écoute privilégiées (peu de monde, soleil couchant).
Ce soir, c’est le groupe Anglais Arp Attack qui s’y colle. Le long du chemin, je croise un couple avec une poussette occupée par un pitchoun qui doit avoir moins d’un mois… Y a quand même des gens qui ne doutent de rien ! Mené par leur intenable chanteuse, le groupe se situe dans la lignée des Two Door Cinema Club, avec un registre électro-pop qui leur a fait remporter pas mal de tremplins. Frankie Murdoch (et sa musique) ressemble un peu à Coco Sumner, la fille de Sting : même tenue improbable (ici un croisement entre le Flower Power et la toge romaine), même aisance scénique (et vas-y que je m’offre un bain de foule public clairsemé prolongé). Divertissant mais leur synthé finit par agresser un peu les oreilles.
La scène FIB Club ouvre enfin ses portes : elle accueille des groupes un peu plus underground et privilégie l’électro/techno dès le soleil couché.
Je jette une oreille rapide sur les Irlandais de Sons Phonetic qui distillent un hip-hop sans grand intérêt.
Direction plutôt la Maravillas pour écouter les Américains de Disappears, remarqués lors de leur passage à la Route du Rock hivernale en 2011. Il fait chaud, très chaud sur le goudron et le contraste est saisissant : le groupe fait dans un Rock garage sombre, dur (avec la présence de Steve Shelley, échappé de Sonic Youth, qui cogne comme un sourd sur ses fûts) et le moins que l’on puisse dire est que l’heure n’est pas trop appropriée à la froideur de leur musique.
Le public éprouvé finit par renoncer pour privilégier des scènes un peu plus protégées. Il est tout de même 19h30 mais il doit bien faire 35°C à l’ombre… Bienvenue en Espagne ! Dommage car leur musique est prenante et ce petit bond dans le passé fait du bien et change de la flopée de groupes à guitares programmés durant ces quatre jours, qui font le bonheur de la presse spécialisée made in UK. A suivre.
Je fais un rapide pèlerinage / pique-nique auprès de Chin Yi, groupe Espagnol complètement barré qui fait un peu partie des meubles puisque j’ai l’impression de les voir chaque année ! Rien de nouveau sous le soleil mais ils me font toujours bien marrer.
Oups voilà qu’il est déjà l’heure de Miles Kane, le grand copain des frères Gallagher (surtout de Liam, dont il a pris le look et la désinvolture après avoir assuré pas mal de ses premières parties), auteur du tubesque "Come Closer" et surtout attendu tel le messie par des hordes d’Anglais arborant fièrement des T-Shirts à son effigie depuis deux jours… Liverpool – Manchester, même combat ! Lui aussi est fan des Beatles et ça s’entend. Le public est aux anges, reprenant en cœur ces pop songs imparables ("Rearrange"). Les verres de bière valsent et la jeunesse se déshabille dans les premiers rangs.
Malgré un concert plutôt sympathique, je m’échappe pour aller voir La Habitación Roja, groupe Espagnol dont l’un de mes collègues Ibériques ne cesse de vanter les mérites depuis de longues semaines. Le changement est assez visible : le public est clairement divisé entre les deux scènes et l’ambiance également. Les Espagnols sont festifs, chaleureux, dansent et sautillent en souriant : on gagne en convivialité et c’est très contagieux. C’est ainsi que les performances d’artistes parfois assez anodins se tranforment en concert mémorables (atmosphère, atmosphère… voir l’exemple de Julieta Venegas l’an passé). Le groupe est très naturel et balaie son répertoire Pop sans pression, en puisant de manière équilibrée dans sa riche discographie ("Ayer", "Voy a hacerte recordar", "Siberia", "Indestructibles" sont autant de titres qui incitent à taper du pied et à remuer son popotin en reprenant des refrains aux paroles pourtant simplistes !). On est loin des poses travaillées de Mr Kane.
Pas le temps de trop traîner, je me hâte vers la grande scène pour le show tant attendu de Mister Bob Dylan himself. Comme évoqué plus haut, j’ai de grosses attentes mais surtout de grosses craintes d’être déçu. Cela ne se présente pas très bien : la moitié de la tribune de presse est réservée pour des VIP venant voir la légende. J’assiste donc au défilé mondain de la bourgeoisie Benicàssienne, poudrée et parée comme il se doit. Cela brille de mille feux (ça tranche avec le look du festivalier lambda en maillot de bain) et ils pourront dire "j’y étais et je l’ai vu" (quoique).
Attention, voilà que le grand Bob débarque avec son backing band (très étoffé) : pantalon et chapeau blanc, veste sombre. Aïe, premier titre et première désillusion : sa voix est méconnaissable, déchirée. Pour le reste, difficile de juger : il semble que les consignes aient été drastiques : pas de caméra sur scène. Du coup, il faut se contenter sur les écrans géants d’un plan statique très large (équivalent en fait à la vision directe), nous privant de tout détail. Pas très sympa. Nos voisins VIP en profitent pour commenter leur journée et semblent se ficher comme de leur première chaussette de ce qui se passe sous leurs yeux.
J’ai beau essayé d’être indulgent, les arrangements sont catastrophiques et les chansons dénaturées. Lors de la conférence de presse de clôture, une journaliste Espagnole osera poser la question à l’organisateur Vince Power : "qu’avez-vous pensé de la prestation de Bob Dylan ?", provoquant un murmure d’approbation de l’assistance. La réponse fut laconique et pleine de sous-entendus : "Bob Dylan is Bob Dylan". Très loin du discours officiel parlant d’un Bob Dylan inédit, souriant, ayant convaincu la jeunesse sur un pléthorique "Like a Rolling Stone". Malheureusement, j’avais déjà déserté les lieux, n’en pouvant plus… (au moins, contrairement à sa prestation aux Vieilles Charrues, il jouait face au public !).
Voilà qui rouvre le débat : faut-il être confronté à nos légendes vieillissantes ? Pour un Leonard Cohen classieux, combien de concerts pathétiques de Siouxsie, Television Personalities… Attendons les Buzzcocks demain soir pour clore le sujet.
Un peu assommé, j’enchaîne avec les Suédois de Little Dragon mais leur électronique martiale ne correspond pas vraiment à la vision que j’avais d’eux sur disque. Je reviens donc sur Maravillas pour le concert de The Maccabees. Le quintet de Brighton est plutôt une bonne surprise : dans un style proche de Mumford & Sons, ils dégagent une certaine fraîcheur salutaire et la voix singulière d’Orlando Weeks finit de conquérir les derniers récalcitrants.
Les jeunes de Bombay Bicycle Club poursuivent dans la même veine, façon Vampire Weekend. Beaucoup de bruit, mais malheureusement je suis victime d’un gros coup de barre et je ne perçois le concert que par intermittence. A noter le très bon accueil du public.
En rejoignant l’espace Presse, j’aperçois la (jolie) Djette Espagnole Virginia Díaz qui donne de sa personne pour faire danser la foule sur fond d’Arcade Fire. L’espace d’un instant, la Pista Pop semble renaître, bien vite étouffée par les puissants beats de Chase & Status et l’électro de SebastiAn. Sans vouloir anticiper, à mi-festival, on peut déjà tirer un premier bilan : encore une soirée mitigée et ça commence à manquer sérieusement de guitares. A de rares exceptions près, les deux premiers jours n’ont pas été transcendants, mais c’était prévisible au vu de la programmation très déséquilibrée. Le week-end devrait être plus intéressant avec une fréquentation annoncée en forte hausse. |