N’ayant pas assisté aux concerts du Palais du Grand Large (Dominique A jouant La Fossette et Memoryhouse), je ne peux que rapporter certains commentaires faisant état de problème d’horaires ayant un peu gâché la fête.
Du côté du fort, l’ambiance est toujours au beau fixe, comme la météo : soleil et chaleur sont les ingrédients parfaits pour accompagner les boucles hypnotiques des deux membres d’Egyptology (aux T-Shirts raccords avec le thème). C’est donc allongé dans l’herbe, les yeux fermés que je me laisse bercer par des nappes de synthétiseurs d’un autre âge.
Retour aux guitares en revanche pour les fougueux Veronica Falls (les membres de My Best Fiend, initialement programmés, ayant annulé leur tournée Européenne pour raisons personnelles) qui nous projettent quelques années en arrière, à l’époque bénie d’Elastica et Lush. Le mariage réussi des voix féminine et masculine rappelle aussi un peu la pop légère des Catchers. Pas grand-chose de nouveau donc, mais le quatuor est souriant et un peu plus serein que lors de leurs premiers concerts. Les titres de leur album éponyme sont efficaces et trouvent leur régime de croisière sur scène ("Beachy Head", "Found Love in a Graveyard"), bien portés par la chanteuse guitariste Roxane Clifford et son look de Dum Dum Girls sage.
Changement de décor pour les punkettes de Savages, toutes de noir vêtues. Il n’y a pas à dire, un groupe de filles, ça fait toujours son petit effet (Electrelane, The Organ en sont de purs exemples) mais ces quatre là ont vraiment quelque chose de fascinant qui fait qu’on a envie de pardonner leur côté brouillon, la voix qui lorgne outrageusement du côté de Siouxsie, l’attitude un poil exagérée… Dès les premiers accords, le ciel s’assombrit par solidarité : décidément, après The Soft Moon la veille, on est en plein revival 80’s et ce n’est pas pour nous déplaire.
Le set est inégal mais on devine le potentiel sous des abords un peu bruts (il faut dire pour leur défense que le groupe est arrivé en catastrophe sans avoir le temps de faire de balance). La chanteuse Jehnny Beth (échappée de feu John & Jehn) au look androgyne est magnétique et rayonne ; c’est également le cas de l’élégante batteuse qui martyrise ses fûts avec une énergie incroyable. Leur single "Husbands" vient clôturer une prestation un peu courte et bancale mais qui aura suffi à marquer les esprits et conquérir le public, un peu hagard.
La tension redescend de pas mal de crans avec la pop plus atmosphérique des Américains de Lower Dens. Menés de main de maître par la tête pensante Jana Hunter, le quintet délivre des morceaux complexes, entre Electrelane (pour la construction) et Beach House (pour la voix). Certes il y a pas mal de longueur et l’album Nootropics passe moyennement l’épreuve du live mais le tout reste plaisant ("Brains", magnifique). A revoir dans des conditions plus intimistes. Le set est étonnamment court, ce qui laisse une bonne marge de manœuvre aux techniciens pour installer la machinerie The XX.
Il ne faut pas se le cacher, les organisateurs misaient beaucoup sur le groupe pour attirer un large public. De ce côté-là, c’est à moitié réussi… La faute peut-être à la sortie repoussée en septembre de leur second album qui a privé le festival d’un coup de projecteur salutaire mais qu’importe, la foule se presse et pour la première fois depuis les deux jours, on sent une vraie attente et la tension est palpable. La scène se pare d’un X de verre géant, flottant de manière impressionnante dans les airs. De longues minutes s’écoulent quand le trio arrive enfin sur scène. Et là, le temps suspend son vol et tout devient très très lent… Difficile d’identifier l’origine du malaise : j’ai pourtant beaucoup aimé le premier album, les versions sont propres, fidèles (même si le tempo est réduit en deçà du raisonnable…), les voix sont claires… mais ça ne passe pas. Pour ne pas arranger les choses, l’ambiance est gâchée par quelques festivaliers peu attentifs (mais bien imbibés et irrespectueux) qui plutôt que d’aller boire une (autre) bière préfèrent commenter en direct la prestation ou raconter leur journée à la plage… Même si le style minimaliste du groupe n’est pas vraiment adapté à un festival en plein air, leur prestation au Primavera en 2010 était délicate et magique. Ce soir, c’est beau mais les pauses interminables et la langueur générale finissent par agacer. De plus, les nouveaux titres joués (comme fièrement annoncé par Oliver Sim, l’album est enfin bouclé) apparaissent bien faiblards, même s’ils restent globalement dans la même veine que les précédents. Quelques artifices viennent réchauffer l’atmosphère (sic), de la fumée remplit l’immense X (tout ça pour ça ?). Bref, une belle déception qui animera en tous cas les discussions d’après concert, entre les inconditionnels criant au sublime et les détracteurs remontés comme des pendules !
Pendant la pause, je n’ai pas le courage de me déplacer vers la scène de la Tour et préfère jeter une oreille sur Willis Earl Beal de loin. L’accompagnement par bandes enregistrées donne à l’ensemble un côté The Voice un peu réducteur… Est-ce la distance qui me prive de son charisme ? Mystère, en tous cas il s’égosille à n’en plus finir et donne tout, devant un public somme toute très réceptif.
Place maintenant au torturé Mark Lanegan. Je ne m’attendais pas à grand-chose de la part de l’ancien Screaming Trees mais son blues rock m’a rapidement retourné. Marquée par ses expériences et ses excès passés, la voix est chaude, rocailleuse et donne la chair de poule (seul Ian Mc Culloch m’avait fait le même effet). Le temps semble vouloir rattraper ses errances précédentes car le concert s’achève sans qu’on ne l’ait vu passer. Un bon signe.
C’est au collectif Anglais Breton que revient l’honneur de clôturer cette deuxième soirée (petite précision, leur nom fait référence à André Breton, ne pas y voir de régionalisme particulier). Sous des abords un peu intellos (le surréalisme, les vidéos projetées en fond, le Français impeccable), les Londoniens survoltés sont à l’image de leur musique : ça part dans tous les sens et c’est très festif ! Autant le disque m’avait laissé très circonspect, autant là leur énergie est communicative. Les beats et leurs cris achèvent progressivement les derniers festivaliers. Il faut en garder sous la semelle car demain s’annonce comme un très grand soir aux relents nostalgiques. |