Si vous passez par la
Drôme, faites un détour à Hauterives
pour visiter le Palais Idéal du facteur Cheval.
Ce
monument de 26 mètres sur 14 et haut de 10 mètres
est un véritable délire monomaniaque construit à
partir des pierres récupérées lors de ses tournées
par Ferdinand Cheval, qui n’était pas encore un préposé
à la distribution du courrier mais un facteur rural à
pied comme on disait à l’époque.
Monument qui se veut à la fois un hommage à l’architecture
primitive, une ode au travail et à la ténacité
de son auteur et un défi à l’écoulement
du temps et à la mort.
Après avoir chuté sur une pierre polie, la fameuse
pierre d’achoppement, interprétée comme signe
divin, il s’arme d’une brouette, qui est glorifiée
et bénéficie d’une niche ad hoc ("Moi
sa brouette j’ai eu l’honneur d’être pendant
27 ans sa compagne de labeur signé : l’auteur du palais")
et va, pendant plus de 30 ans, transporter des pierres pour édifier
un temple de la nature qui se transformera ensuite en Palais Idéal.
Un
palais fantasque, atypique, unique, composé d’une accumulation
de représentations hétéroclites, des animaux
aux édifices du monde entier, de géants glorifiant
Archimède, Vercingétorix et César entre lesquels
sont posées des représentations atypiques de momies,
parsemés de phrases, de prières, de poèmes,
de maximes diverses, d’apostrophes destinés au public
gravées dans le ciment.
Tout n’est qu’ambivalence voire ambiguïté
dans sa démarche.
Homme du peuple, frustre, il veut prouver que le génie et
la ténacité n’était pas l’apanage
des grands de ce monde ("Ce monument est
l’œuvre d’un paysan").
Homme humble, il n’en désire pas moins entrer dans
la légende, ce qui lui est arrivé au demeurant de
son vivant ("Nous redirons aux générations
nouvelles que toi seul a bâti ce temple des merveilles").
Célébré
par les surréalistes, son palais a été classé
monument historique et demeure une des plus sidérantes manifestations
de l’art brut.
Croyant, il célèbre la contingence et la futilité
du passage sur terre en glorifiant l’immortalité de
l’âme et l’angoisse du temps qui passe (concrétisée
par de multiples signes ostensibles tel un cadran
solaire "Chaque fois que tu me regardes
tu vois ta vie qui s’en va").
La recherche d’immortalité, au moins dans la mémoire
des hommes, le pousse à laisser une trace tangible de son
passage sur terre, l’inhumation dans son palais devant en
être l’aboutissement.
Las ! Devant l’interdiction d’y être inhumé,
le facteur Cheval a repris la truelle pour ériger son "Tombeau
du silence et du repos sans fin" dans le cimetière
communal. |