Paraphilie : ensemble des attirances ou pratiques sexuelles qui diffèrent des actes traditionnellement considérés comme "normaux". Des précisions ? Allons-y : pédophilie, masochisme, frotteurisme, klismaphilie, émétophilie et beurkophilie…
Non, le duo d’auteur Saffina Desforges ne nous parle pas de ça sur les 522 pages de leur thriller. Mais un titre court et choc a le mérite de nommer les choses pour ce qu’elles sont : Paraphilia, terme clinique employé par les Etats-Unis, adopté bien évidemment par nos compatriotes depuis les Dutrouqués sexuels qui pullulent dans nos campagnes.
L’histoire n’est pas banale : un beau jour (ou une belle nuit ?), ces quatre mains décidèrent de reprendre ce dernier fait divers sur le désaxé du coin, sévissant dans les années 80, de le coucher sur des tas de feuilles blanches, et de le proposer à moults maisons d’éditions, qui ne manqueront pas de publier ce scénario dans le vent, bien que penchant du mauvais côté de la force. Oui mais, ne trouvant point d’investisseur digne de ce nom, les quatre mains se trouvèrent bonnes pour publier elles-mêmes leur prose. Faisant regretter amèrement les refus, Paraphilia devint un thriller archi-vendu. A se poser des questions sur les réelles motivations des clients. Hum…
L’histoire (le début seulement) : des fillettes enlevées près de chez elles sont retrouvées mortes dans les jours qui suivent, fait bizzaroïde (permettant de lier tous ces meurtres) : les ongles peints en jaune DDE. Agression sexuelle effectuée… carte de visite laissée par l’agresseur : Oncle Tom.
Mis à part l’intrigue facile à démêler (machination grosse comme une maison enclenchée dès les premiers chapitres), le roman est lourd par le sujet traité : la pédophilie. Sans en faire l’apologie, les auteurs relaient les points de vue de toutes les parties : y compris celui qui définissent la pédophilie comme un comportement sexuel différent.
Et ça m’a mis franchement mal à l’aise. Parce que donner la main à un enfant (même le sien !) peut être un acte pédophile, parce qu'un papa qui donne un bain à ses fillettes est un pédophile en puissance. Parce que la suspicion est dans tous les regards, parce que tenir un élève sur ses genoux ne veut plus seulement dire qu’on veut le consoler, ni le canaliser, ni le calmer. Parce que demander à une fillette de baisser ses collants ne veut plus dire qu’on veut lui mettre une belle note de rouge bobo sur son genou écorché. Je ne sais pas ce que ce roman apporte au peuple, mais je sais qu’il dit aux pédophiles qu’ils ne sont pas les seuls dégueulasses de la planète… Bref, mal à l’aise…
Entre le divertissement glauque pour la plage et une analyse clinique de la pédophilie, le roman laisse (aussi) un goût d’inachevé. On ne sait jamais ce qui a poussé le méchant à être méchant. De plus, la maman de la première fillette retrouvée morte se couronne enquêtrice, ce qui me parait peu probable (à la limite, une tante ou une cousine, mais une mère… Mouais…).
Si vous me le demandez, je ne vous dirais pas de ne pas le lire, parce qu’il entraîne, il a le ton du thriller, on suit les personnages brossés parfois un peu vite, un peu clichés, mais ça reste un livre digne d’une bibliothèque, un peu comme un Goncourt fait dire "intello", celui-là fait dire "c’est quoi Paraphilia ? [explications] Ah bon ! [soulagement : vous n’êtes pas pédophile]". |