Réalisé par Jaime Rosales. France/espagne. Drame. 1h50. (Sortie 3 octobre 2012). Avec
Yolanda Galocha, Oriol Rosello, Jaime Terradas, Laura Latorne et Alba Ros Montet.
Il y a peu de cinéastes qui parviennent à la sérénité en empruntant la route du drame le plus terrible, qui exposent ce drame sans l’exploiter, qui savent aller au bout de la douleur pour atteindre le pays du rêve et du silence, là où le grand peintre catalan Miquel Barcelo dépose ses formes et quelques touches de couleur jaune, ultime échappatoire à ce monde en émulsion grise.
Jaime Rosales est un passeur de l’intime. Ni minimaliste ni expansif, il cherche la bonne distance, l’endroit où les gens se retirent pour se retrouver après s’être perdus. On pense parfois au cinéma - trop rare - de Victor Erice, avec moins d’ostentation dans la contemplation, mais avec autant d’attention à toutes les perceptions.
Ici, on n’a pas la triste intention de "faire le deuil d’une enfant morte", mais on s’apprête à lui survivre doucement, à reprendre l’habitude de sourire ou de tenter simplement d'en réapprendre le goût en essayant de croire envers et contre tout que c’est possible.
Cela passe par une promenade encore aléatoire dans un parc où les autres enfants jouent toujours, où tout le monde vit son petit bonheur sans connaître votre grand malheur.
Jaime dessine très bien des personnages saisis le cœur à nu. Toute cette famille atteinte dans l’équilibre de son bonheur "classique" vit une expérience qui la mène au "réel absolu".
Acteurs parfaits, c’est-à-dire juste dans leurs émotions et leurs contradictions, images fortes dans une dialectique en noir et blanc préférant la retenue à l’affrontement, "Rêve et silence" offrira à ceux qui sauront s’en imprégner un beau moment de cinéma qui devrait les travailler longtemps, les emplir de son mystère poétique.
Avec "Rêve et silence", Jaime Rosales poursuit une œuvre exigeante sans être austère ni ascétique. Sa poésie vitaliste prend de l’ampleur de films en films. La découvrir s’impose. |