Réalisé par René Vautier. France. Drame/Documentaire. 1h40. (Sortie 3 octobre 2012 - 1ère sortie 1972). Avec
Alexandre Arcady, Hamid Djelloli, Philippe Léotard, Hamid Djelloli Jean-Jacques Moreau, Jacques Causelier et Michel Elias.
Têtu comme un Breton têtu, en guerre contre tous les pouvoirs iniques, qu'ils aient pris la forme du nazisme, du colonialisme, du militarisme et bien entendu celle multiforme du capitalisme, René Vautier est une vraie légende de l'insoumission cinématographique depuis plus de soixante ans.
Il a toujours été là où il y avait des hommes qui ne renonçaient pas à dire non, qui rêvaient toujours de renverser un très vieux monde où les injustices mènent la danse.
Il était grand temps que son film le plus célèbre, "Avoir 20 ans dans les Aurès", revienne sur des écrans où, jadis, il avait eu bien du mal à s'imposer en traitant d'un sujet tabou. Et l'on ne s'attardera pas sur ses passages télés au compte-gouttes.
À une époque où l'on souhaite remiser l'esprit de résistance au magasin des accessoires inutiles, ce film humaniste, goguenard, fort en gueule et en chansons libertaires, tombe à pic.
Première fiction sur la guerre d'Algérie, mais reprenant l'histoire vraie d'un "commando de bretons", un "commando de cheveux longs", le film de Vautier n'est pas un film à thèse, un film strictement politique sur le conflit qui marque encore la France d'aujourd'hui.
C'est un authentique film de guerre, à l'égal de la "317ème section" de Pierre Schoendoerffer sur la guerre d'Indochine. Évidemment, les deux films n'expriment pas le même point de vue sur la soldatesque.
Apologie des hommes de devoir que sont les hommes de guerre, le film de Pierre Schoendoerffer est à l'antithèse de celui de Vautier, allégorie contre la guerre, exaltant ceux qui ne perdent pas leur haine de la guerre, même s'ils sont obligés de se salir les mains, même s'ils sont un temps conditionnés et manipulés par leurs officiers.
Vautier n'est jamais un idéologue même s'il revendique des parti-pris bien tranchés : il décrit des hommes viscéralement contre ce qu'on les oblige à faire et à être.
Tourné avec le millième du budget d'un film choc américain sur la guerre du Vietnam, "Avoir 20 ans dans les Aurès" peut fièrement tenir la comparaison car il ne se contente pas de montrer des hommes du commun, de bons petits bourgeois plongés dans la guerre et devant se débrouiller dans cet enfer qu'ils n'imaginaient pas.
Il montre, au contraire, des hommes concernés avant comme après, et a fortiori pendant. Des hommes qui sont bien jeunes mais qui ont pensé, sans doute naïvement, à trouver une position éthique dans cette guerre qu'on leur impose et dont ils ont d'emblée la conviction qu'elle n'a rien à voir avec la défense des idéaux républicains et démocratiques.
Tous les épisodes que raconte Vautier sont signifiants. Il les raconte avec des accents qui rappellent parfois, comme l'ultime épisode avec le jeune Alexandre Arcady, ce qui faisait la substance de "La Grande illusion" de Jean Renoir.
"Avoir 20 ans dans les Aurès" n'est donc jamais daté, jamais pris en faute avec l'Histoire, jamais scrupuleusement didactique.
On peut - et on doit - le prendre comme la description d'un groupe d'hommes solidaires malgré les embûches que leur tend le réel dans sa version la plus extrême, celle du manichéisme guerrier.
Quarante ans après sa réalisation, "Avoir 20 ans dans les Aurès" de René Vautier est d'une modernité brûlante. En plus, il permet de revoir Philippe Léotard dans son premier vrai rôle. Un grand comédien dans un grand film. |