Une romancière et une anthropologue gourmandes et bavardes décident un jour d’écrire une histoire de chocolat en plein cœur de la Côte d’Ivoire (là où pousse le chocolat mais où les habitants n’en connaissent pas le goût, encore moins la saveur, ni le fondant), Pour un carré de chocolat est né.
L’idée de départ est de prendre le rôle de Jean Reno, ivoirien fou amoureux de la nouvelle en robe rouge. La suite est de prendre le petit bonhomme et de l’aventurer dans sa quête du carré de chocolat pour sa belle. Le tout est de rendre accessible ce roman à tous, en le plaçant chez la littérature de jeunesse. Au risque de me répéter (la redondance est la clé, disait ma mémé ! En fait, c’était pas ma mémé, c’était ma prof de communication, mais ça sonne mieux avec mémé… c’est plus court aussi). Bref, au risque de me répéter, écrire un livre à la première personne en se mettant dans la plume d’un enfant de 9 ans comporte des risques. Y compris celui d’invoquer Madame Gruyère, professeur de français, truffant ma prose de zig-zag rougeoyant, ornant la marge de points d’interrogation, entourant mes répétitions, soulignant deux fois mes concordances ratées. Un premier jet à retravailler quoi…
Il est facile de critiquer les jeunes, leur manque le vocabulaire et leurs erreurs de syntaxe si la littérature qu’on leur propose est de cette qualité ! Pas étonnant qu’ils trouvent Baudelaire chiant et Vian incompréhensible ! Je m’emporte ? Comment ça je m’emporte ? Oui, certainement un peu trop, mais c’est la première chose qui m’est venue à l’idée : quelle syntaxe pourrie ! Dire qu’on passe des heures à travailler les pronoms personnels et les figures de styles dès les premiers mots, histoire d’éviter ce genre de textes. Et que des adultes nous le proposent...
Et pourtant, à part cette déformation professionnelle qui me pousse à faire reformuler, à reprendre, à comprendre, j’ai aimé ce livre. Parce qu’à l’échelle d’un lecteur débutant (CM1 courageux qui acceptera un volume de 60 pages, en petits caractères, avec des doubles pages entières sans image), le livre donnera envie d’aller voir un peu plus loin que le bout de son nez, faisant apprendre pas mal de choses sur les pays d’Afrique noire.
Entre autres : les enfants ne connaissent pas tous leur âge exact (ils se sentent grands ou pas), les femmes meurent en couche (alors que cette notion nous semble quasi moyenâgeuse), les enfants travaillent pour nous, riches européens avides de superflu, les humanitaires les font bien rigoler (avec leur manière de vouloir leur apprendre la vie), l’école n’a pas la même importance qu’ici…
Illustré à l’aquarelle par Janik Coat, Pour un carré de chocolat respire la sincérité et l’innocente curiosité propre à l’enfance. |