Dans "Voyage au bout de la blanche" publié aux mêmes 13E Note Editions, J.R. Helton écrit que dans les années 80 l'absorption régulière d'alcool et de stupéfiants, même si elle ne conduisait pas à l'alcoolisme et à la toxicomanie avérées constituait le mode de vie commun de tous les Américains.
"Les Carnets de L.A." de James Brown qui, bien que né en 1957, peut être considéré comme appartenant à cette fameuse "Génération X", en constituent une autre illustration.
Ces carnets sont des mémoires qui sont proposées sous forme de narration linéaire et chronologique mais de manière séquentielle à travers des chapitres qui mettent en résonance des épisodes de jeunesse qui constituent une vraie tragédie familiale et les moments de détresse des années 90 au cours desquelles un comportement autodestructeur l'a mené au bord du gouffre.
Dans l'avant-propos, James Brown
réfute sa qualité d'exercice libérateur à l'écriture cathartique pour y substituer une ode d'amour à ses proches ("Ma vie est inextricablement liée à celle de mes proches et à celle de tous ceux, vivants ou disparus, qui ont continué à me témoigner leur amour en dépit de mes défaillances, dans des périodes très sombres. Je leur dois ma vie, je leur dois ce livre").
Dans sa famille, une famille blanche typique de la classe moyenne américaine, il y a de l'amour mais tous boivent et/ou se droguent de manière atavique. Une famille à la Zola.
Ils vivent dans une belle maison avec une Mexicaine au pair, mais son père, entrepreneur de bâtiment, est alcoolique et drogué, sa mère, secrétaire et agent immobilier, qui boit également, dilapide le patrimoine familial et, semble-t-il atteinte de trouble mental, devient pyromane ce qui la conduit en prison. Fin de la vie de famille. James Brown a cinq ans.
Quatre ans plus tard, il met le doigt dans l'engrenage infernal ("J'ai commencé à boire et à me défoncer à neuf ans et rien d'autre ne me procure autant de plaisir") et à trente ans, il est complètement cuit. Et ce qui n'arrange rien les débuts prometteurs d'une carrière littéraire ne sont pas confirmés.
Entre déni et culpabilité, rien ne peut le dissuader de céder à la solution de facilité pour ne pas affronter la réalité ("Quelques secondes encore et tout disparait : mes peurs, ma paranoïa, tout ce à quoi je ne veux pas penser, tout ce que je ne veux pas ressentir"). Rien ni personne, même pas ses enfants ("Aucun enfant ne devrait avoir à vivre ça et j'ai très peur de le voir finir un jour comme son père. Quand j'y pense, j'éprouve une honte terrible, mais cela ne suffit pas à m'empêcher de boire et de me défoncer").
La mort de ses parents, le suicide de son frère et de sa soeur, eux-aussi laminés l'un par une carrière d'acteur avortée, l'autre par une vie ratée, constituent le déclic qui lui permet de tirer le bilan de sa vie et sans doute de rebondir pour ne pas ajouter son nom à la liste des trépassés. Car comme pour J.R Helton, l'alcool et la drogue ne sont pas une façon de vivre mais d'embellir la vie et, au dernier moment, la cinquantaine venue, il fait marche arrière.
Avec des chapitres courts à l'écriture sans complaisance qui sont autant de paraboles parfois rédemptrices, "Les Carnets de L.A." dressent, une fois encore, le portrait d'une Amérique malade et d'une génération en perdition, incapable d'affronter la réalité et qui nourrissait souvent des rêves trop grands pour elle. |