Amélie-les-crayons, c’est déjà un univers qui se crée rien qu’en entendant ce nom de scène, vous en conviendrez. Jusqu’à la mer, le titre de son nouvel album, sorti le 8 octobre, c’est la promesse d’une jolie balade, au moins, voire d’une belle échappée vers notre côte Atlantique ; la Bretagne, plus exactement. Bref, en quelques mots, on a déjà des envies d’ailleurs et l’imagination qui s’évade… Et, encore, on n’a pas découvert l’écrin de ce CD. C’est un bel objet d’art. L’expression n’est ni exagérée ni usurpée : dans un coffret épais, on découvre une quinzaine de carte carrées. Au recto, une illustration poétique et moderne de Samuel Ribeyron. Au verso ; les paroles d’une des treize chansons. Ces dessins n’accompagnent pas seulement ; ils subliment. Une fois que l’auditeur les a découverts, plus question d’imaginer l’un sans l’autre : chaque chanson existe aussi par son habillage pictural.
Que de compliments, penserez-vous, dans cette entrée en matière ! La chroniqueuse est sous le charme ! Et bien, ces éloges ont failli être les seules : il y a encore 24 heures, je me demandais comment expliquer que, malgré cette très belle présentation, Jusqu’à la mer était un album ennuyeux. "Rien n’est parfait", "On ne peut pas avoir tout ce que l’on veut dans un seul disque", "C’était une belle tentative"… Comment énoncer une critique négative sans détruire l’effort évident de cet artiste et de ses acolytes ? Pour chercher à étayer mes propos, une nouvelle écoute du disque s’imposait. Et là : découverte ! Jusqu’à la mer est un album réussi ! Exigeant peut-être, à apprivoiser sûrement, mais réussi. La voix d’Amélie, parfois haut perchée, est pourtant plaisante à entendre, les textes dévoilent leurs poésies et surtout, les mélodies sont enthousiasmantes.
Pourquoi avoir cru à l’ennui alors que rythmes entrainants ("On n’est pas fatigués", "Les filles des forges", "La solution") et musiques romantiques ("Voyager léger", "Si tu veux", "Tout de nous") s’entremêlent ? Côté instruments, il y a les attendus : piano, guitare, violon… et d’autres beaucoup plus insolites : mellotrom, concertina, mandoline, bourdon, cornemuse (oui, tout de même !), oiseaux de Ker Anna !
Côté textes : c’est poétique, parsemé de quelques jeux de mots mais, surtout, les paroles touchent par leur sincérité. Les chansons d’amour semblent réellement destinées à l’être aimé, on est loin des tubes "commerciaux" ; on ne connaît pas le destinataire de ses belles paroles et pourtant on le "sent", on le "discerne" dans les mots chantés. Ce n’est pas de l’impudeur : cette façon si intime de dire l’amour permet à son auteur de toucher chacun, puisque les histoires se ressemblent (presque) toutes.
Jusqu’à la mer est assurément un album à offrir et à s’offrir, même s’il n’est pas évident de prime abord. S’il ne vous convainc pas immédiatement, laissez-lui une chance et au moins trois écoutes : il serait surprenant que vous ne tombiez pas alors sous le charme de son élégance acoustique et visuelle. |