Monologue dramatique d'après le roman éponyme de Nicolas Gogol dit par Syrus Shahidi dans une mise en scène de Wally Bajeux.
D'abord une odeur de cendres. Puis une présence encore fantomatique. Et soudain se précise un long corps enrobé dans des oripeaux de clochard qui tire une petite caisse d'où dépasse un violon.
Ce vagabond ombrageux, cet homme douloureux au visage chaplinesque et au physique d'athlète, on sait qu'il est ici pour raconter sa petite vie de fonctionnaire russe et que Nicolas Gogol l'a appelé Propichkine.
Ce qu'on ne sait pas encore, c'est que le jeune homme qui l'incarne, dont on devine déjà la grande présence charismatique, va emmener son public au plus loin dans ce texte fort et leur faire partager sa rage et sa folie.
Syrus Shahidi est un interprète puissant qui rappelle en un instant les fulgurances des plus grands. Sans l'écraser sous les références, on pense évidemment à un Sami Frey encore nerveux, à un Laurent Terzieff pas tout à fait torturé. Mais, sans doute, Syrus Shahidi abolira très vite les comparaisons.
D'emblée, on comprend qu'il saura éviter le cabotinage, le surjeu, l'emphase qui guettent ceux qui se jettent sans le filet de la grâce dans le rôle de Propichkine. Non, Syrus Shahidi entre pas à pas dans la noirceur de l'âme blessé du petit fonctionnaire qui taille les plumes de son chef de bureau. Il gravit marche après marche l'escalier qui mène à l'antre de la folie, là où les Grands d'Espagne connaissent les douches froides et les coups des matons infirmiers.
Parfaitement guidé par Wally Bajeux, qui conçoit "Le journal d'un fou" comme un long chemin de croix parsemé de cris et de vains appels au secours, Syrus Shahidi s'épuise sur chaque mot prononcé, souffre sur chaque expression de son visage, s'épuise sur chaque mouvement de son corps martyr.
C'est plus d'une heure au tréfonds d'une âme rongée par la condition humaine qu'il restitue seconde après seconde.
Un moment de théâtre qu'on n'oubliera pas par un interprète qui ne devrait pas en rester là. |