F.X. Toole est le pseudonyme de l'Américain Jerry Boyd qui, sur le tard, la quarantaine passée, s'est passionné pour la boxe au point de devenir boxeur, puis entraîneur et soigneur.
Ayant toujours taquiné la plume, il a accédé à la notoriété hors du monde pugilistique en 2000 avec la publication d'un recueil de nouvelles, paru en France sous le titre "La brûlure des cordes", loué par son compatriote l'écrivain James Ellroy comme le meilleur livre de fiction sur la boxe depuis "Fat City" de Leonard Gardner.
Et, surtout, post-mortem, en 2004 avec l'adaptation au cinéma de deux de ses récits sous le titre "Million dollar baby", film multi-récompéensé réalisé par Clint Eatswood.
"De sueur et de sang", publié par le 13E Note Editions,
regroupe trois textes inédits dont deux nouvelles. Le premier, texte poids plume de 8 pages intitulé "Poids lourds à l'entraînement", constitue simultanément une bonne entrée en matière dans le monde singulier de la boxe et la profession de foi de l'auteur quant à ce qui motive le "corner man".
Pour cet homme né en 1930, physique et vie de baroudeur à la Tennessee Williams,
la boxe est un "mal d'amour" et une inaccessible quête, celle du champion, du boxeur qui accédera au titre suprême, qui répond simultanément à un goût pour l'aventure et au complexe de Pygmalion, pour "trouver la perle rare, un gamin ayant l'étoffe d'un champion... ce que j'appelle un "messie", celui qui saura se sacrifier corps et âme..." et "transformer un être humain - dont l'instinct premier est de fuir au lieu de se battre - en une machine de guerre allant au-devant du danger au lieu de l'esquiver".
A travers deux micro-romans noirs, les deux nouvelles, "Virées nocturnes" et "La perle rare", tracées d'une plume rugueuse à l'écriture d'une réalisme lucide, entraînent le lecteur dans le monde impitoyable de la boxe professionnelle régi par des rapports violents, la violence, celle du ring bien évidemment, mais également la violence ambiante dans une micro-société qui ne connaît qu'une règle, celle de la survie à tout prix, et une loi, celle du Talion.
Si pour l'entraîneur-soigneur, factotum de F.X. Toole, seul entraîneur blanc parmi "les négros et les bouffeurs de tacos", la boxe est une passion, un mode de vie
et un quasi sacerdoce, avec toujours après l'échec, le même espoir ressuscité avec un nouveau poulain, dont la récompense "c'est d'être embarqué dans l'aventure - une aventure dont le coût est si élevé qu'on espère bien accéder au sommet suprême, là où le feu et la glace ne font qu'un et où seuls se retrouvent les plus grands et les plus forts", il n'en va pas de même pour les organisateurs de matchs et les boxeurs.
Car "chez les pros, la boxe c'est aussi un business, c'est même plus un business qu'un sport". Pour les organisateurs de tournoi, cela coule de source et F.X. Toole confirme tant le règne du pot-de-vin à tous les niveaux, ne serait-ce qu'à celui de l'inscription, que la pratique des matchs négociés voire carrément truqués.
Et pour les boxeurs, la motivation tient moins à des idéaux, la beauté du sport ou l'art de la boxe, qu'à la considération plus prosaïque qu'est l'appât du gain pour enfin profiter du rêve américain, pépées à gogo, alcool et belles bagnoles.
"Dès qu'ils ont palpé quelques milliers de dollars, ils deviennent paresseux et se mettent à courir les filles, et ce n'est pas le choix qui manque, surtout quand ça commence à sentir l'oseille" et commence la dégringolade. Une dégringolade qui peut conduire le boxeur à oublier ses obligations notamment envers son entraîneur qui, tout dévoué qu'il puisse être, n'est cependant pas un enfant de choeur qui pratique le pardon des offenses.
En cas de rupture unilatérale du contrat, double jeu ou trahison, ce dernier ne connaît qu'une réponse ainsi énoncée : "La prochaine fois que tu veux baiser quelqu'un, t'as qu'à baiser ta mère dans son cercueil, elle pourra pas te baiser en retour". Traduction : le sourire de Joker affuté à la lame, les jambes cassées et les couilles entre les dents.
Donc des récits "couillus" qui véhiculent une vision très machiste de l'homme et de l'honneur d'un homme qui passe par une seule focale, celle du ring dans un microcosme composé d'hommes "bourrés de testostérone" qui cherchent à bander et à gagner ("User l'adversaire, lui arracher le coeur et l'écrabouiller. C'est ça la boxe. C'est à ce point horrible. Mais survivre et gagner, c'est ce qui nous fait bander. On appelle ça se faire respecter"). |