Pierre Hanot est le onzième des treize auteurs invités par les Editions La Branche à célébrer la date fatidique du Vendredi 13 dans sa collection éponyme.
Pour lui, le Vendredi 13, réduit à son acronyme V13, est le nom d'une nouvelle drogue qui pue mais ménage costaud, "la Rolls-Royce de la schnouf", qui croise inopinément la route de Zoran, un infographiste qui travaille sans s'éclater dans une agence de pub, d'autant qu'il est atteint de trouble bipolaire.
Pour soigner son spleen, il s'offre, aux frais de la princesse Sécu, une petite virée en Corse où il lève une pépée adepte sectaire de la paléothérapie avec laquelle une partie de jambes en l'air va finir par lui coûter plus cher que la peau des fesses.
Le sexe et l'argent mènent le monde, et surtout les hommes, et Zoran va faire les frais de ce dicton à cause d'une pépée vérolée et de pépètes
promises au terme d'une épique course à l'échalote, un "cours après moi que je t'attrape" en forme de razzia sur la schnouf, où il est transformé en cible vivante de tirs croisés.
Car suite à la découverte de la manne bénie constituée par des paquets de V13 sur lequel il fait main basse, Zoran, le cave, de surcroît poursuivi par la scoumoune et roi des bévues, marche sur les plates-bandes de pieds nickelés malfaisants qui veulent bien évidemment la récupérer à tout prix mais sans débourser et surtout sans faire de quartier.
Au rang desquels, un souteneur des fleurs de bitume qui se sont recyclées au safety sexe grâce aux nouvelles technologies qui avec son compère se sent pousser des ailes de caïd, un tatoueur bibendum crasseux et receleur et Lucky le biker, le vrai celui à Harley, queue de cheval, tatouages, cuir et Santiags, doublé d'un dealer et d'un membre des White Skins, "le gang des peaux blanches, une escouade de factieux contre la bâtardisation et le métissage, une cavalcade héroïque, le ver dans le fruit blet d'une société multiculturelle".
Mais aussi un duo de flics frères ennemis, avec Stef, "le parangon de la police républicaine" vs Jean-Claude dit JC le cumulard, ripou et fasciste, "Roi des has been, il avait du psoriasis aux coudes, une chevalière de manouche... et une chemise à carreaux et la tronche de Jean Lefèvre dans Le gendarme de Saint-Tropez".
Et puis, de vrais frères corses qui "avaient conservé leurs prérogatives dans le secteur de la flambe, mais ce n'était plus la grande blanchisseuse. L'essentiel du pognon mazouté transitait par les chambres de compensation et les sociétés offshores... les banquiers se chargeant eux-mêmes du recyclage". Gérant un club de jeux, ils forment un tandem complémentaire et efficace : l'un est le spécialiste du relationnel, "arrondir les angles par un sourire commercial afin que leurs clients se ruinent dans la bonne humeur", l'autre, le nettoyeur "chargé de la maintenance et des tâches ménagères, la serpillière et l'aspirateur".
Du coup, haro sur la peau du tatou, Zoran ainsi nommé par le gourou salace et plombé, mais psychologue, de la paléothérapie
"Tu as tout du tatou : sous la carapace, tu es vulnérable, friable, transparent !"
Parodiant l'iconographie du roman noir à la française et usant du cocktail gagnant humour et langue verte, Pierre Hanot, romancier, plasticien et fondateur du groupe de funk-rock psychotrope, Parano Band, livre un excellent polar aussi burlesque que jubilatoire qui décape les méninges et raffermit les zygomatiques.
Fils de Rabelais et Céline, il a une plume funky qui joue dans la cour des grands en sublimant l'argot, abusant à bon escient, pour le plaisir du lecteur, de la métaphore, de l'aphorisme existentiel et de l'humour percutant, et une écriture syncopée qui scande à merveille cette roborative épopée de la loose. |