Réalisé par Valeria Sarmiento. France. Guerre. 2h31. (Sortie 21 novembre 2012). Avec
John Malkovitch, Marisa Paredes, Melvin Poupaud, Elsa Zylbenstein, Mano Lopes, Vincent Perez et Soraia Chaves.
Dans la lignée des "Mystères de Lisbonne", dernière grande fresque d’envergure qu’il aura pu tourner, "Les Lignes de Wellington" contient tout ce qui était cher à Raul Ruiz.
En reprenant ce projet qu’il l’envisageait de mettre en images, sa femme et habituelle monteuse, la cinéaste Valeria Sarmiento, rend hommage au grand réalisateur franco-chilien.
Et elle n’est pas la seule, car, tout au long de cette page d’histoire portugaise, de cette quasi-superproduction qui a pour décor et pour fond l’épisode désastreux des troupes napoléoniennes combattant les forces anglo-portugaises, apparaissent pour un ultime coucou des acteurs amis du plus français des intellectuels chiliens.
De Catherine Deneuve à Isabelle Huppert, de Michel Piccoli à Chiara Mastroianni, de Melvin Poupaud en hiératique Maréchal Masséna à John Malkovitch en Wellington bourru et chiffonné, tous ont voulu être là pour leur ami, qui restera comme l’un des plus grands créateurs de formes cinématographiques des quarante dernières années.
Dans ce qui n’aurait pu être qu’un film de guerre en costumes, on retrouve ce qui caractérisait l’œuvre de Ruiz : ce goût absolu pour les histoires à tiroirs, pour les anecdotes qui peuvent se conter en trois plans ou bien se déployer en fil rouge de tout le film.
Conteur hors pair, amoureux des récits gigognes genre "Mille et une nuits" ou "Manuscrit trouvé à Saragosse", Ruiz jouait sur tous les registres : la comédie autant que la tragédie, les énigmes vite élucidées autant que les intrigues qui gardaient leur part de mystère non résolu…
Fidèle à l’esprit de Raul, Valeria sait aussi marquer son empreinte dans ses "Lignes de Wellington" . Plus à l’aise dans les scènes intimistes et les décors minimalistes que dans la description d’une armée en campagne, il n’est pas sûr que Raul Ruiz aurait été comme elle à son avantage dans la partie guerrière des "Lignes de Wellignton".
Ici, la guerre n’est pas une partie de plaisir ni de gloire. La mort est souvent au rendez-vous et conclut la plupart des dizaines de destins que l’on suit pendant ces cent cinquante minutes qui prouvent que le cinéma de Ruiz et de Sarmiento n’est pas un exercice purement littéraire.
Au contraire, bien plus que dans le cinéma hollywoodien, ici se marient tous les genres, alternent toutes les sortes de récits fictionnels allant du poétique à l’héroïque et ne passant jamais par les stéréotypes attendus.
Et plus que tout se dégage un sentiment humaniste, plein de compassion pour ceux qui meurent et ceux qui survivent.
"Les Lignes de Wellington" de Valeria Sarmiento est donc un grand film qu’aurait aimé signer Raul Ruiz et sur qui règne avantageusement sa grande ombre. |