Comédie musicale de Duke Ellington, adaptation de David Serero, mise en scène de James Marvel, avec David Serero, Chiara Dibari, Laetitia Ayres, Kathryn Frady, Gilles Sanjuan, Charlie Glad et les musiciens John Altman, Marc Benhamou, Bruno Vouillon et Christophe Galizzio.
C’était déjà une belle idée de retrouver "Beggar’s Holiday", le seul vrai "musical" de Duke Ellington, les autres n’étant, comme le fameux "Sophisticated Lady", qu’une succession de chansons (et quelles chansons !) ne s’appuyant pas sur une histoire.
C’était courageux de le monter sans les moyens d’un spectacle de Broadway et de le faire sur une scène pas forcément adaptée au chant et à la danse. Mais c’était encore plus inespéré de réussir l’entreprise sans tomber dans l’à-peu-près et dans l’amateurisme sympathique.
Dès lors, il faut féliciter David Serero, un passionné absolu de comédies musicales en plus d’un bon chanteur, pour avoir offert aux Parisiens cette proposition inattendue.
"Beggar’s Holiday", c’est au départ "l’Opéra des Gueux" créé en 1728 par John Gay, qui inspirera Brecht et Weill pour leur "Opéra de quat’sous", et qui sera repris en 1953 au cinéma par Peter Brook avec Laurence Olivier.
La version composée par Duke Ellington, sur des lyrics de Dale Wasserman, sera présentée en 1946 avec une mise en scène du grand Nicholas Ray, futur réalisateur de "Johnny Guitar" et de "La Fureur de vivre", et arrêtée au bout de quatre mois parce qu’elle avait - chose hélas encore scandaleuse à l’époque - une distribution multiraciale.
Depuis, le spectacle, jamais remonté, était tombé dans un tel oubli qu’il fallait d’abord retrouver les partitions d’Ellington et les lyrics de Wasserman avant de songer à lui redonner une deuxième vie. Le puzzle reconstitué, David Serero s’est attaché en premier lieu à valoriser la musique d’Ellington, avec un quatuor de jazzmen de "classe internationale" : Marc Benhamou au piano, Bruno Vouillon à la basse, Christophe Galizzio à la batterie et surtout John Altman au saxophone.
Il suffit à ce dernier, célèbre pour ses musiques de films et pour avoir joué avec la fine fleur des chanteurs anglo-saxons, de souffler quelques notes dans son saxo, pour que la magie du "Duke" opère.
Elle ne retombe pas quand entrent en scène les chanteurs qui, sous la houlette de James Marvel, metteur en scène lui aussi habitué des scènes internationales, enchaînent gaiement textes et chansons. Gilles San Juan, en espèce de faux Groucho, donne le ton à des partenaires tous capables de bien chanter en anglais.
On félicitera donc chaleureusement David Serero, maître d’œuvre dynamique de cette re-création originale, et l’on souhaitera que ce spectacle encore en rodage puisse s’épanouir après son court passage parisien. |