Découvrir tous les chefs-d'oeuvre présentés dans les collections permanentes des musées est chose aussi ardue qu'impossible voire laborieuse tant ils sont nombreux.
Alors pourquoi ne pas écarter le stakhanovisme culturel et choisir un artiste, une thématique ou un registre pictural ?
Tel est la suggestion et le propos d'un bel ouvrage d'art intitulé "Orsay mis à nu" qui invite à parcourir le Musée d'Orsay en compagnie de l'actrice Louise Bourgoin, diplomée de l'Ecole des Beaux-Arts de Rennes,
accompagnée en point et contrepoint, par l'historien d'art, journaliste et collectionneur, Edward Vignot.
Ayant carte blanche, elle a choisi non pas un genre mais un des thèmes majeurs de l'art, le nu, qui participe de la représentation du corps, et plus particulièrement de celui de la femme, de l'érotisme et de l'amour par le regard d'homme des peintres.
A raison d'une double-page par oeuvre, une centaine de chefs-d'oeuvre est proposée au lecteur dans cette effeuillée de l'histoire de l'art de la seconde moitié du 19ème siècle et des avant-gardes du début du 20ème.
Loin de tout didactisme, même si, parfois, Edward Vignot apporte son "grain de sel" de professionnel, elle livre une approche simple, sensible et bien évidemment subjective puisque l'oeuvre est accompagnée d'un court commentaire qui livre ses impressions personnelles et ses fantasmes, mais également, par l'effet "madeleine", quelques souvenirs, des confidences et, souvent, des appariements cinématographiques.
Ainsi, "Galatée" de Gustave Moreau lui rappelle ses poupées d'enfance, le "Jason et Médée" de Gustave Moreau la fait rêver de parures fétichistes pour homme et la femme vue de dos de "La toilette" de Toulouse-Lautrec lui évoque une héroïne de cinéma et des actrices comme Nathalie Wood et Isabelle Huppert.
Dans cette traversée artistique, il y a bien évidemment des incontournables célébrissimes des grands maîtres tels " La Source" de Ingres, l'"Olympia" de Manet, "L'Origine du monde" de Courbet, les "Baigneuses" de Renoir et de Cézanne ou "Le tub" de Degas et tous les grands noms Bonnard, Gauguin, Maillol, Rodin, Vallotton qui ont célébré le corps féminin.
Et puis des artistes moins "médiatisés", tel Jean-Jacques Henner et ses femmes à l'abondante toison rousse. Et aussi des surprises inattendues, avec la "Femme nue couchée" de Millet indissociablement associé aux paysages champêtres, "La charmeuse de serpents" du "naïf" Douanier Rousseau, les nus masculins très érotiques du peintre académique William Bouguereau ("Dante et Virgile en Enfer")
et l"Eve" de Odilon Redon connu dans un registre symboliste différent.
Mais le nu, chair vivante sublimée, du nu idéalisé au nu réaliste, du nu académique au nu naturaliste, est aussi un guide pour picorer dans l'histoire de l'art, découvrir styles et petits maîtres.
De l'académisme pompier de Alexandre Cabale ("Naissance de Vénus") à la presque hopérienne "solitude" de Alexander Harrisson en passant par la mièvrerie préraphaéliste psychédélique de Georges-Antoine Rochegrosse ("Le Chevalier aux fleurs"), l'itinéraire non balisé proposé par Louise Bourgoin est réellement incitatif pour inaugurer une nouvelle formule de visite du Musée d'Orsay.
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