Spectacle conçu et mis en scène par Christoph Marthaler, avec Tora Augestad, Karl-Heinz Brandt, Carina Braunschmidt, Mihai Grigoriu, Graham F. Valentine, Michael von der Heide, Nikola Weisse et les musiciens Bendix Dethleffsen et Mihai Grigoriu.
Dans la cadre du Festival d'Automne 2012, le metteur en scène suisse Christoph Marthaler présente successivement "Foi, amour et espérance", une comédie dramatique de Ödön von Horvath et Lukas Kristl, et, sous le titre "Meine Faire Dame - Un laboratoire de langues" une variation décoiffante de la célèbre comédie musicale américaine "My Fair Lady" immortalisée au cinéma par George Cukor, elle-même adaptation de la pièce "Pygmalion" de George-Benrard Shaw.
Une variation d'autant plus singulière qu'elle repose sur le mythe du couple et la réalité de l'incommunicabilité par hybridation d'une comédie musicale constituée d'un medley stupéfiant et d'une anti-pièce sur le ratage sous forme d'une déclinaison "ricola" de "La cantatrice chauve" de Eugène Ionesco, pièce également inspirée par les absurdités des méthodes d'apprentissage des langues.
Metteur en scène de théâtre et d'opéra formé à l'Ecole internationale de théâtre Jacques Lecoq, Christoph Marthaler, qui est également musicien, a conçu ce spectacle comme une véritable partition musicale à la rythmique redoutable ponctuée de silences, qui en l'occurrence sont constitués de vide, un vide épais, presque palpable, durant lequel il ne se passe rien entre une succession de scènes où tout repose sur le décalage (les images diffusées sur l'écran télé), le comique de répétition parfois proche du numéro de cirque (la descente de l'escalier), le gag, l'absurde et le burlesque.
Sur la durée, deux heures, cela vire au procédé mais difficile de bouder son plaisir en raison de la performance des officiants qui se délectent, outre de quelques lyrics de "My Fair Lady", des airs d'opéra de Mozart à Wagner comme des chansons de Noël sur des chorégraphies improbables délivrées par des personnages souples comme des fers de lance.
Comme pour "Foi, amour et espérance", même décor hyperéaliste des années 70 conçu par Anna Viebrock, ici un laboratoire de langues avec ses postes d'élèves, même duplication des personnages, en l'occurrence avec trois couples campés de manière brillante dans leur médiocrité aussi cocasse que pathétique..
Accompagnés par deux musiciens, côté cour un pianiste concertiste au brushing Claydermanien (Bendix Dethleffsen) et côté jardin un organiste clone de la créature de Frankenstein (Mihai Grigoriu), les acteurs-chanteurs emperruqués, lunettés et costumés, entre Deschiens et Vamps, dans des vêtements vintage des épouvantables seventies, sous-pull à col roulé en polyester et chaussures sur talons pour les messieurs, confort "Damart" pour les dames, sont tous époustouflants.
Car le talent est au rendez-vous : mention spéciale pour la mezzo-soprano norvégienne Tora Augestad dont la voix est un enchantement qui forme avec, méconnaissable et excellent, le suisse Michael von der Heide, chanteur de variétés qui a représenté la Suisse au Concours Eurovision de la Chanson 2010, un duo remarquable.
Autre couple loufoque, l'acteur écossais Graham F. Valentine qui incarne le professeur en charentaises et la comédienne allemande Nikola Weisse. Et ne sont pas en reste la comédienne suisse Carina Braunschmidt, épatante en gourde acrobate et en hôtesse de l'air et le ténor allemand Karl-Heinz Brandt, désopilant en Parsifal dont le Graal est une tasse à thé.
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