Transposition théâtrale du texte éponyme de Denis Diderot, mise en scène de Rémy Oppert, avec Michèle Couty, Rémy Oppert et Boris Vernis.
Au 18ème siècle, dans un hôtel particulier de la grande noblesse française, la maîtresse des lieux, piquée par la curiosité, décide de recevoir le visiteur de son époux absent.
Car celui-ci, n'est autre que Diderot, bel esprit du siècle, un homme érudit et athée doublé d'un écrivain et philosophe sulfureux.
Le philosophe, voyant la Maréchale de***, femme réputée pour sa vertu et sa dévotion, cède à la tentation, sinon de la joute oratoire, du moins du jeu de la conversation éclairée de salon pour se prêter à son exercice favori de vulgarisation sur le thème de la religion et de la morale, afin de dissocier les deux, l'une, la religion, n'étant pas le fondement de l'autre, la morale.
Rédigé sous forme de dialogue propice vecteur dialectique, cet "Entretien d’un philosophe avec la maréchale de ***", qui trouve un écho qui trouvent un écho dans le monde contemporain n'ayant pas éradiqué l'individualisme, le fanatisme et l'immoralité, se prête tout naturellement à la transposition théâtrale dans le registre du théâtre de conversation reposant sur l'opposition des personnages et la confrontation d'idées.
Rémy Oppert ne s'y est pas trompé et met en scène avec sagacité cette dissertation vulgarisatrice en y distillant le ton bienvenu du divertissement réflexif, introduisant notamment deux personnages surnuméraires, un domestique zélé et un abbé-précepteur rigoriste interprétés par Boris Vernis, aux brèves mais judicieuses interventions face à la noblesse et l'intellectuel bourgeois, le clergé et le Tiers-Etat.
Par ailleurs, il joue également du paradoxe en donnant au philosophe l'allure austère d'un bigot psychorigide et à la maréchale celle d'une femme pulpeuse, intelligemment coquette et fausse naïve, qui impulse la débat avec des assauts de civilité qui parfois confine au badinage.
Lui-même s'est distribué dans le rôle du philosophe et lui prête son physique d'échassier et son humour pince-sans-rire, ce dont l'entretien ne manque pas. Diction et éloquence parfaites servent à merveille la partition diderotienne.
Une partition de musique de salon qu'il interprète de concert et sans aucune fausse note avec une comédienne merveilleuse, Michèle Couty, qui, ajoutant à son phrasé élégant une superbe gestuelle, donne de son personnage, "une femme charmante, belle et dévote comme un ange" comme la décrit Diderot, une incarnation vibrante et passionnée à qui le spectateur donnerait, sans aucune doute, le bon Dieu sans confession.
Abordant des sujets tels que la nature de l'homme, de la bienveillance atavique à la "vilaine nature corrompue" des théologiens que seul peut contrarier l'esprit de religion, l'importance de l'éducation, pour fortifier le penchant naturel de l'homme à la bienfaisance, la foi opportuniste avec son pari sur "l'éternité de vie de bonheur", les dangers du fanatisme religieux et le paradoxe entre le dogme et la pratique, cet entretien de haute volée passe donc totalement la rampe.
Et, dans l'intimité d'un petit salon 18ème au décor à peine suggéré, ce spectacle est une vraie pépite. |