Musique sep Théâtre sep Expos sep Cinéma sep Lecture sep Bien Vivre
  Galerie Photos sep Nos Podcasts sep Twitch
 
recherche
recherche
Activer la recherche avancée
Accueil
 
puce puce
puce Nirvana - Neurosis
Les contours de l'intolérable noirceur  janvier 2013

Je commencerai ici par un long détour. Il y a pour les gens de ma "génération" une discontinuité qui s'appelle Nirvana. Je ne sais pas si je pourrai demander à des gens qui ont aujourd'hui 20 ans de comprendre ce que ce groupe a pu représenter, pas plus que je n'ai jamais compris la fascination pour les Doors. Le groupe de Seattle écrivait bien plus que du grunge, de la pop ou je ne sais quel syntagme journalistique qui fait le bonheur des faiseurs d'étiquettes. Ils avaient ce quelque chose d'insondable et de singulier qui résiste à la confiscation. Nirvana a ouvert une porte sur l'underground de l'époque certes (1991 : The Year Punk Broke), mais il permettait aux popeux ravis par les mélodies de Kurt Cobain de découvrir autrement ce qu'était une guitare. Pas une guitare avec le quota suffisant et acceptable de gain sur l'ampli, mais une guitare qui assume pleinement la lourdeur d'une franche et implacable distorsion. Enfin les Beatles cohabitaient avec la fureur sonore du punk hardcore, et du metal inclassable des Melvins. On a trop oublié cette dernière référence. Qu'est-ce qui empêche d'écouter Neurosis et qui est tolérable dans certains morceaux rageurs de Nirvana ? Cela vient-il de ces auditeurs que j'appelais plus haut "popeux" ?

Le popeux (j'aurais pu utiliser autre chose comme terme) est une race de faux mélomane passif dont la survie ne se dément pas. Il se reproduit au gré des habitus culturels étudiants sans relation sexuelle, et hante les pubs des villes de plus de 100.000 habitants où il peut refaire en parole des disques, en levant son verre à la splendeur de sa passivité. Il a aimé beaucoup trop de choses médiocres pour qu'on puisse croire qu'il puisse encore aimer des disques sincèrement ; et lorsqu'il en déteste certains il nous prouve à défaut d'autre chose qu'il n'a sûrement eu que ça à faire de son temps. Au mieux il animera une émission de radio locale pour nous expliquer ce qu'il a lu dans les Inrockuptibles ou dans Magic comme si l'on n'avait pas pu le faire à sa place. Il aura sa coterie localisée et nécessaire à laquelle il distribuera en pâture des places de concerts qu'il aurait dû faire gagner à ses auditeurs. Au sommet de la contemplation musicale, spectateur attentif du premier rang, il pourra dire aux artistes ce qu'ils auraient dû faire car il ignore tout des difficultés de la création. Il y eut un temps où je refusais d'envoyer un disque d'Angil à un webzine belge, car nous aurions été coupables de donner de l'importance à son auteur. Ce dernier avait eu l'audace de croire qu'il était plus important que les disques dont il parlait.

J'aime donc à penser qu'il reste quelque chose d'incompris lorsque ces gens-là écoutent In Utero. J'aime l'idée que la musique de Hint, de Bastard, et de Neurosis résiste à ces gens-là. Le chant crié de Scott Kelly ou de Steve von Till laisse dans une profonde perplexité qui a écouté Jason Molina, ou Mark Hollis quelques minutes avant. Et pourtant, Neurosis est le groupe de l'obscurité raffinée, qui chemine, inclassable, sur des flots bruts de bestialité.

D'abord groupe hardcore, post-punk, une transition cruciale est abordée avec Through Silver in Blood. Les ingrédients essentiels sont là : percussions tribales préférées à l'abus de double pédales de grosse caisse, tempo à la lenteur inquiétante, guitares baveuses dépourvues de lourdeurs fatigantes, sampleur et clavier audacieux dans leurs expérimentations, le tout servi par deux voix criées à l'identité remarquable.

Puis vint Times of Grace, chef-d'œuvre servi par le son de Steve Albini : onze titres d'une constante qualité qui prennent une autre dimension lorsqu'on écoute Grace de Tribes of Neurot en simultané.

Au risque de la caricature, qui aurait pensé que Neurosis avait plus en commun avec les Flaming Lips qu'avec Slayer ? Un duo en forme de synthèse disjonctive (Deleuze) : chacun a son autonomie, et leur écoute commune n'enlève rien à l'autre disque, le duo est autre chose que la somme de chaque disque pris indépendamment. La rage est doublée de noirceur, l'étrangeté est appuyée sans culte du glauque. La musique de Neurosis va au bout d'elle-même, elle borde la pulsion sans jamais la nier. Et qui a pris le temps de s'arrêter sur ces textes énigmatiques qui émanent d'une intuition fulgurante ? On pourrait croire que Neurosis se délecte de la morbidité habituelle du métal consumériste. Il s'agit plus d'une mise en question mystique ou d'une thématique eschatologique.

Ainsi, il y a toujours eu une place dans les albums de Neurosis pour des passages atmosphériques, et l'auditeur averti de GYBE reconnaîtra certaines influences. Leur dernier album en date, Honor Found in Decay, joue sur cet étirement des structures, et cette tension sur la longueur. Le groupe avait déjà exploré ces territoires dans A sun that never sets empruntant des chemins biens connus par les amateurs du groupe Earth. Je me suis aussi toujours demandé pourquoi "Prayer" (extrait du maxi Sovereign) n'avait jamais été utilisé par David Lynch.

Filiations

Je ne saurais terminer cet article sans faire référence à un des rares groupes à avoir assuré une digne postérité à Neurosis : Sketches of Pain. Je laisserai l'auditeur se renseigner par lui-même avec ce lien et écouter un de leurs meilleurs morceaux ici.

 

A lire aussi sur Froggy's Delight :

Articles : Nirvana - In Utero
Neurosis en concert au Festival Les Eurockéennes de Belfort #25 (2013) - Dimanche


Gilles Deles         
deco
Nouveau Actualités Voir aussi Contact
deco
decodeco
• A lire aussi sur Froggy's Delight :


# 14 avril 2024 : En avril, de la culture tu suivras le fil

Un peu de soleil, des oiseaux qui chantent, le calme avant la tempête olympique. En attendant, cultivons-nous plutôt que de sauter dans la Seine. Pensez à nous soutenir en suivant nos réseaux sociaux et nos chaines Youtube et Twitch.

Du côté de la musique :

"Kit de survie en milieu hostile" de Betrand Betsch
"Let the monster fall" de Thomas de Pourquery
"Etat sauvage" de Chaton Laveur
"Embers of protest" de Burning Heads
"Sin miedo" de Chu Chi Cha
"Louis Beydts : Mélodies & songs" de Cyrille Dubois & Tristan Raës
"Arnold Schönberg : Pierrot lunaire" de Jessica Martin Maresco, Ensemble Op.Cit & Guillaume Bourgogne
"C'est pas Blanche-neige ni Cendrillon" de Madame Robert
"Brothers and sisters" de Michelle David & True Tones
"Prokofiev" de Nikita Mndoyants
"Alas" de Patrick Langot, Alexis Cardenas, Orchestre de Lutetia & Alejandro Sandler
"Symptom of decline" de The Black Enderkid
"Tigers blood" de Waxahatchee
"Not good enough" de Wizard
et toujours :
"Le carnajazz des animaux" de Dal Sasso Big Band"
"Deep in denial" de Down To The Wire
"Eden beach club" de Laurent Bardainne & Tigre d'Eau Douce
"Ailleurs" de Lucie Folch
"Ultrasound" de Palace
quelques clips en vrac : Pales, Sweet Needles, Soviet Suprem, Mazingo
"Songez" de Sophie Cantier
"Bella faccia" de Terestesa
"Session de rattrapage #5", 26eme épisode de notre podcast Le Morceau Cach

Au théâtre

les nouveautés :
"Tant que nos coeurs flamboient" au Théâtre Essaïon
Notes de départs" au Théâtre Poche Montparnasse
"Les chatouilles" au Théâtre de l'Atelier
et toujours :
"Come Bach" au Théâtre Le Lucernaire
"Enfance" au Théâtre Poche Montparnasse
"Lîle des esclaves" au Théâtre Le Lucernaire
"La forme des choses" au Théâtre La Flèche
"Partie" au Théâtre Silvia Monfort
"Punk.e.s" Au Théâtre La Scala
"Hedwig and the angry inch" au théâtre La Scala
"Je voudrais pas crever avant d'avoir connu" au Théâtre Essaïon
"Les crabes" au Théâtre La Scala
"Gosse de riche" au Théâtre Athénée Louis Jouvet
"L'abolition des privilèges" au Théâtre 13
"Lisbeth's" au Théâtre de la Manufacture des Abbesses
"Music hall Colette" au Théâtre Tristan Bernard
"Pauline & Carton" au Théâtre La Scala
"Rebota rebota y en tu cara explota" au Théâtre de la Bastille
"Une vie" au Théâtre Le Guichet Montparnasse
"Le papier peint jaune" au Théâtre de La Reine Blanche
des reprises :
"Macbeth" au Théâtre Essaion
"Le chef d'oeuvre inconnu" au Théâtre Essaion
"Darius" au Théâtre Le Lucernaire
"Rimbaud cavalcades" au Théâtre Essaion
"La peur" au Théâtre La Scala

Une exposition à la Halle Saint Pierre : "L'esprit Singulier"

Du cinéma avec :

"Amal" de Jawad Rhalib
"L'île" de Damien Manivel
zt toujours :
"Le naméssime" de Xavier Bélony Mussel
"Yurt" de Nehir Tuna
"Le squelette de Madame Morales" de Rogelio A. Gonzalez

et toujours :
"L'innondation" de Igor Miniaev
"Laissez-moi" de Maxime Rappaz
"Le jeu de la Reine" de Karim Ainouz
"El Bola" de Achero Manas qui ressort en salle
"Blue giant" de Yuzuru Tachikawa
"Alice (1988)" de Jan Svankmajer
 "Universal Theory" de Timm Kroger
"Elaha" de Milena Aboyan

Lecture avec :

"L'origine des larmes" de Jean-Paul Dubois
"Mort d'un libraire" de Alice Slater
"Mykonos" de Olga Duhamel-Noyer
et toujours :
"Des gens drôles" de Lucile Commeaux, Adrien Dénouette, Quentin Mével, Guillaume Orignac & Théo Ribeton
"L'empire britanique en guerre" de Benoît Rondeau
"La république des imposteurs" de Eric Branca
"L'absence selon Camille" de Benjamin Fogel
"Sub Pop, des losers à la conquête du monde" de Jonathan Lopez
"Au nord de la frontière" de R.J. Ellory
"Anna 0" de Matthew Blake
"La sainte paix" de André Marois
"Récifs" de Romesh Gunesekera

Et toute la semaine des émissions en direct et en replay sur notre chaine TWITCH

Bonne lecture, bonne culture, et à la semaine prochaine.

           
twitch.com/froggysdelight | www.tasteofindie.com   bleu rouge vert métal
 
© froggy's delight 2008
Recherche Avancée Fermer la fenêtre
Rechercher
par mots clés :
Titres  Chroniques
  0 résultat(s) trouvé(s)

Album=Concert=Interview=Oldies but Goodies= Livre=Dossier=Spectacle=Film=