La Caravane Passe fait partie de ces groupes qui suscitent d'emblée la sympathie. Ce projet foufou, un hybride de punk, de fanfare balkanique, d'électro, de chanson française et d'un peu toutes les influences qui passent, pratique l'auto-dérision et le burlesque à tout va. L'énergie et la bonhommie conjuguées de la "Mano Negra des Balkans" font qu'on aimerait bien être convaincu par leur travail. Du coup, on n'arrive pas à leur en vouloir franchement de décevoir quand ils déçoivent franchement.
Il y a dans Gipsy for one day, leur dernier album sorti en octobre chez XIII bis, un paquet d'ingrédients qui auraient pu en faire un vraiment chouette moment gipsy punk. Des instrumentations pétillantes et bien ficelées, de la bonne humeur, des invités surprises - c'est assurément joyeux, plein de bonnes idées et d'envie de faire danser et rire. Le petit hic, c'est que toutes ces bonnes choses peineront à faire réellement de bonnes chansons tant que le groupe ne se sera pas déniché un parolier digne de ce nom. De bonnes mélodies fringantes sont tout bonnement gâchées par l'indigence de textes faciles et bêtas.
Plusieurs titres, à commencer par "Rom à Babylone" qui ouvre l'album, développent la thématique du nomadisme contemporain et de son intégration dans la société urbaine, des galères ("Rame dans l'métro") et du fait de se sentir tous gadjo d'un jour, gipsy for one day. Rien à redire à cela qui participe de l'ambiance : La Caravane passe et veut nous emmener avec elle dans un monde où l'on aurait oublié les frontières. Dommage juste que Toma Feterman ne soit pas toujours très fort pour les rimes, et que du coup l'album supporte mal la réécoute. C'est l'avantage de Gogol Bordello : on fait moins attention aux textes (ceci dit, peut-être consternent-ils les anglophones ?).
Un des meilleurs moments de l'album est justement la chanson "Gipsy for one day", chantée en anglais touillé au yaourt (bulgare). On y entend avec grand plaisir la voix fort expressive d'Erika Serre, hongroise vivant en France depuis bientôt trente ans, qui fait de très belles choses avec son groupe Emigrante. Là-dessus, des chœurs, un rythme unza-unza et une petite guimbarde des familles, et on est partis. L'humeur reste bonne avec "I wanna be your slave" (appréciez le jeu de mots), qui pourrait parfaitement être une chanson de Kusturica et du No Smoking Orchestra.
Le sommet de l'album arrive tout de suite après avec "T'as la touche manouche", une chanson qui non seulement se tient très bien musicalement - merci aux doigts virtuoses du guitariste de Stochelo Rosenberg, grimé en Django de pacotille pour le clip, et à la voix de Sanseverino – mais surtout qui réussit, exercice difficile, à être drôle pour de vrai ! Nos gitans de boulevard y enchaînent parallèles et calembours pour s'épingler eux-mêmes : "astiqueur de manche, pompeur de rythmique (...) On rêve de Bohême, de routes, de Romanichels, Mais en fait on s'appelle Romain, Michel". On a là un vrai single qui peut s'apprécier sans s'user.
Par la suite, ça se gâte un peu, avec notamment des expérimentations bizarres sur "Saint-Tropez" (s'agirait-il d'un hommage inavoué à Luis Mariano ?). Quant à "What to do in Katmandoo", depuis cinquante ans que la musique indienne a intégré la musique populaire occidentale, il est presque inadmissible de produire un titre qui sonne aussi cliché. Passons. Au final, le détail qui fait qu'on pourrait quand même leur en vouloir, c'est que se retrouver avec dans la tête un refrain aussi navrant que "Shouf la chapka comme un pacha" sous prétexte que c'est entraînant, ça défrise un peu (sous la chapka). |