Comédie dramatique de Erri De Luca, mise en scène de Lisa Wurmser, avec Chad Chenouga, Andrea de Luca, Léa Girardet, François Lalande et Jérémie Lippmann.
Avec "Montedidio", Lisa Wurmser réussit la gageure dramaturgique qui tient non seulement à la transposition sur scène d'une oeuvre littéraire mais également du registre du réalisme magique.
En traitant du thème classique du passage à l'âge adulte, le roman de l'écrivain napolitain Erri de Luca, couronné par le Prix Femina étranger en 2002, s'inscrit dans le genre du roman d'apprentissage qu'il situe dans le cadre de l'Italie des années 50, et plus précisément d'un quartier populaire napolitain, Naples qui, avec son particularisme local dont son dialecte, constitue une des entités du Mezzogiorno de la toute jeune République italienne.
La fin de l'école et le début du travail scellent la fin de l'enfance, la mort de la mère et les premiers émois amoureux, avec une fillette d'un appartement voisin que ses parents oblige à être gentille avec le propriétaire pour compenser les arriérés de loyer, transforment le garçonnet en homme et sa naissance au monde des adultes est guidée par trois hommes bienveillants et généreux.
Le père tendre (Chad Chenouga) qui lui offre un boomerang, objet métaphorique, l'effet gyroscopique symbolisant le retour aux sources et la mémoire des origines, le maitre d'apprentissage, un menuisier philosophe qui lui transmet l'amour du travail bien fait (Andrea de Luca) et un extraordinaire juif errant bossu rescapé de l'Holocauste devenu cordonnier dont la bosse renferme des ailes séraphiques auquel François Lalande donne une exceptionnelle dimension poétique et mystique.
Ce conte pétri d'humanisme se déploie sous les belles lumières de Pascal Sautelet dans une scénographie simple et efficace du plasticien Michele Lodice qui transcende le réel avec sa machine à bois polymorphe et son nid géant sur fond de scène gris-noir évoquant le Vésuve.
Avec une épatante distribution, Lisa Wurmser parvient à créer une atmosphère propre à l'expressionnisme merveilleux qui se démarquent radicalement tant de la tragi-comédie napolitaine immortalisée par Eduardo de Filippo que du néoréalisme italien.
La réussite tient pour beaucoup au jeu vif de Jérémie Lippmann et de Léa Girardet qui, sans "jouer l'enfant", restituent parfaitement la vivacité juvénile, les derniers feux de la candeur de l'enfance et la confiance en la promesse de l'avenir. |