La femme infidèle de Philippe Vilain est parue en janvier 2013 aux éditions Grasset. Son auteur y revisite le thème du mari trompé, du couple qui semblait solide mais qui était finalement bâti sur des failles.
L’originalité de ce roman réside dans la façon de traiter le sujet ; cela aurait pu engendrer un vaudeville, une comédie ou encore une tragédie… ce sera en fait un livre d’introspections et de réflexions de l’époux trahi.
Elle le trompe. C’est un fait établi dès la couverture où, parallèlement au titre, est inscrit le fameux SMS qui a tout dévoilé : "Je suis ta salope". Le narrateur n’y va pas par quatre chemins, on ne badine pas avec l’amour déçu ; la première ligne annonce l’affront sans fioriture "Je n’oublierai jamais le jour où j’ai appris que ma femme me trompait". Le forfait est clair.
De la criminelle, on pourrait croire qu’on ne sait pas grand-chose : juste son nom. Pourtant, 141 pages de ce roman (qui en compte 154) ne parlent que de Morgan Lorentz. D’elle, de ses actes, de son caractère, de son parcours ; tout cela vu par son mari. Il ne cesse de la raconter, de la décrire pour tenter de la décrypter, lui qui visiblement ne la connaît pas si bien qu’il le pensait. La découverte de son adultère ne donnera pas lieu à une confrontation ; le lecteur le perçoit très rapidement. Le "héros" n’osera pas. Il n’est pas de ces personnages sûrs d’eux et de leur charme qui exigeraient avec force des excuses ou tenteraient de rompre leur relation pour mieux la sauver. Notre pauvre narrateur l’avoue lui-même : il a toujours craint d’être quitté ne se sentant pas assez bien pour elle. Hors de question, donc, de lui faire un procès qui risquerait de la faire fuir.
Au fil des jours, des semaines, puis des saisons, il va non pas agir mais réfléchir : l’épier, l’espionner parfois, en tout cas la regarder enfin réellement. Interpréter ses gestes, ses phrases, ses changements de tenues, son désir de plaire, ses accès de mélancolie. La cerner comme elle est et non pas comme il la fantasmait. Et, à travers les découvertes qu’il fait ainsi, c’est finalement sur lui-même qu’il s’interroge. C’est sur lui qu’il fera le point, sur ses mensonges qu’il a créés, sur les arrangements qu’il a consentis pour vivre tranquillement et sans risque, pour préserver un bonheur qui était peut-être seulement une illusion.
La femme infidèle est un roman intelligent, au style soutenu, aux phrases longues et complexes qui collent aux réflexions du narrateur. L’auteur décrit avec justesse les difficultés des conjoints à évoluer dans la même direction et à s’avouer quand leurs routes ont divergé. De la compréhension, des explications mais pas de complaisance ni pour la femme qui trahit, ni pour l’époux qui a choisi de s’aveugler. Reste qu’il existe certainement bien plus d’une façon de tromper et d’une raison de le faire ; "une femme infidèle" certes, "LA femme infidèle" c’est peut-être, tout de même, généraliser un peu vite ce qui ne pourra jamais l’être. |