Réalisé par Sophie Letourneur. France. Comédie dramatique. 1h15. (Sortie 20 mars 2013). Avec Sophie Letourneur, Carole Le Page, Camille Genaud et Louis-Do de Lencquesaing.

On peut faire deux lectures des "Coquillettes", sans pour cela avoir besoin de la pourtant nécessaire sauce tomate qui fait mieux passer ce mets spartiate pour fauchés ou feignants.

D’une part, il y aura ceux qui comprendront d’emblée qu’on est devant un film connivent où il est préférable de savoir qui est Olivier Père, Benoît Forgeard et les pétillantes demoiselles de Makna-Presse pour profiter de ces aventures ébouriffantes de trois adolescentes de trente ans révolus dans le microcosmique microcosme du jeune cinéma d’auteur.

D’autre part, il y aura les innocents spectateurs, ceux qui ignorent les rites et les usages qui ont cours pendant un festival de cinéma et qui découvriront, avec envie ou dégoût de coquillettes, comment il faut s’y comporter. On apprendra ainsi qu’un festival de Cinéma n’est pas fait pour voir des films, à plus forte raison si on est là pour en montrer un.

Dans "Les Coquillettes" de Sophie Letourneur, on est supposé être à Locarno, un Locarno parfois jumelé par l’opération du Saint Esprit et du montage avec Pantin. Il y a donc bien des raisons touristiques pour ne pas aller s’enfermer dans une salle obscure.

Et puis, pour trois filles colocataires par la volonté de la réalisatrice, il faut bien vivre quelque chose, quelque chose de navrant et de totalement banal, pour nourrir cette chronique, cette auto-fiction savamment ratée qui prétexte le truc de la mise en abyme pour pécho des garçons potables.

Les vieux routiers du cinéma de Sophie Letourneur retrouveront dans ce plat de pâtes le style éthilico-bavard de "La vie au Ranch" et l’auto-commentaire off du "Marin Masqué".

S’ils n’ont pas rayé la grande Sophie de leurs plans cinématographiques, c’est qu’ils ont compris qu’elle filmait incomparablement l’air du temps, qu’elle est unique pour horripiler le spectateur de sa voix molle, qu’elle sait ne jamais révéler si elle navigue à vue dans le premier degré ou si elle a atteint l’ultime dimension du nirvana jubilatoire, c’est-à-dire le secret du n’importe quoi bien ordonné.

Aussi à l’aise en figures imposées (le râteau, la soirée galère, l’inévitable scène de sodomie métaphorique avec Louis-Do de Lencquesaing), qu’en figures libres (un petit matin sans lendemain), Sophie Letourneur s’inscrit mieux qu’un Emmanuel Mouret dans la descendance des cinéastes n’ayant jamais eu de descendants. On pense aux filles en villégiature chez Jacques Rozier ou chez Pascal Thomas.

"Les Coquillettes" de Sophie Letourneur s’accommodent hélas sans un nouveau Bernard Ménez. On reste ici entre filles. C’est sans doute la faute d’une époque où il n’y a plus assez de garçons idiots pour consoler les filles nunuches. Laissons-les manger des spaghettis avec des top models ou des informaticiennes et faisons frémir de l’eau bouillante pour partager quelques coquillettes en compagnie de Sophie, Céline et Carole. Si elles le souhaitent, elles seront toujours les bienvenues…