L’album noir de Sixteen Horsepower,
Folklore , sorti au printemps 2002,
a marqué un tournant dans la carrière du groupe, qui
ne s’en est toujours pas remis, sortant compilation sur compilation
(un live, des démos et maintenant un dvd), tournant à
vide en novembre 2003 et à l’été 2004.
Depuis, le groupe semble fonctionner au ralenti alors que Lilium
se reforme et qu’Edwards s’oriente vers d’autres
horizons.
“You know
The road does not me to keep
Beneath the bushes
The three of us asleep”
David Eugene Edwards in “Chest of drawers”
A y regarder de plus près, Folklore est le premier album
du Horsepower (et aussi le seul "vrai" album du groupe
depuis que l’ère Woven Hand
a commencé) où on sent David Eugene
Edwards prendre confiance en interprétant très
personnellement de vieux standards.
L’autre visage d’Edwards
Projet plus ou moins solo d’Edwards, Woven Hand y intègre
régulièrement des amis proches comme
David McMahon ou Steve Taylor.
Et, alors que le Sixteen Horsepower patauge depuis 2002, Woven
Hand sort quatre albums en deux ans ( Woven
Hand, Blush, Blush
music et le dernier Consider the
birds), multiplie les tournées en Europe, collabore
avec Ultima Vez et Wim
Vandekeybus pour Blush et Sonic boom
jusqu’à accompagner la troupe sur scène.
Avec Woven Hand, Edwards explore des soundscapes jamais envisagés
avec le Horsepower. Si nous le connaissions inspiré par Dieu
et la foi, Woven Hand évolue à mi-chemin entre le
champs de la religion et celui du spirituel en utilisant des termes
qui appartiennent au premier et des thèmes qui s’interprètent
dans le second, ou inversement. Libre à chacun alors de décider
si les compositions d’Edwards relèvent de l’ordre
du mystique ou du simple dark-rock (style Fire
spirit ).
Edwards pourtant ne prêche pas, peut-être tout au
plus fait-il pénitence, et s’il multiplie les références
religieuses comme sur Consider the birds, il nous oblige à
observer, remarquer telle ou telle chose, tel ou tel fait qui passeraient
inaperçus sinon, en raison de notre manque d’habitude.
Il nous invite dans un monde peuplé d’anges et de démons,
souvent (toujours ?) à visages humains, à la recherche
d’une identité qui paraît fuir.
Les concerts de Woven Hand sont des moments de recueillement,
pendant lesquels le public reste silencieux et respectueux et où
Edwards se fait maître d’une cérémonie
dont on ne sait dire si elle est occulte, païenne ou religieuse.
Le paroxysme "Consider the birds"
Tout ce qui est écrit plus haut se confirme avec Consider
the birds qui file le frisson à la première écoute.
Jamais Edwards ne s’est montré aussi puissant. Au
niveau musical, il expérimente et pratique une sorte de folk
(au sens large) immémorial, sans âge, prie parfois
plutôt que ne chante. Et il aligne des textes aux clés
de lecture multiples.
Pourtant tout commence en territoire connu avec "Sparrow
falls" (trad : le moineau chute) et "Bleary
eyed duty". Mais il faut l’avouer : ces titres
sont les seuls auxquels l’on peut se raccrocher, même
si l’on a écouté le premier album ou assisté
à un concert de Woven Hand.
Ensuite c’est le vertige, la chute dans
le vide et l’inconnu.
Introduction ésotérique, rythmiques lentes et sabbatiques,
"To make a ring" et "Off
the cut" sont la première étape d’un
voyage inédit. Avec ces sons exotiques, distordus à
l’ancienne, Edwards nous emporte à une époque
qui ne peut être envisagée, ni même suggérée,
encore moins considérée. A tel point qu’on ne
sait plus se situer dans le temps.
Avec "Chest of drawers",
rassurante et dépouillée, le premier niveau est atteint.
Le voyage reprendra avec les processionnels "Oil
on panel" et "Speaking hands",
tentatives de prières aux paroles obscures.
Si la reprise "Down in Yon forest"
(un chant de Noël plus ou moins traditionnel) constitue une
courte pause qui évoque de lointains souvenirs (encore),
les vraies supplications auront lieu quelques minutes plus tard
avec "Tin fingers" et l’aérien,
presque angélique, "In the piano"
("I pray him come I pray him soon").
Peut-être cela laissera-t-il indifférent la plupart
des auditeurs qui ne verront dans ce somptueux Consider the birds"
qu’un album solo de plus du leader de Sixteen Horsepower.
Et ceux-là y trouveront assurément leur compte.
Mais Consider the birds prouve que c’est véritablement
du côté de Woven Hand que tout se passe aujourd’hui
pour David Eugene Edwards, qui semble avoir trouvé ici le
médium idéal à l’expression de son talent
: Consider the birds est L’album de l’année. |