Création collective de la Compagnie Ex Machina, mise en scène de Robert Lepage, avec Sylvio Arriola, Carole Faisant, Nuria Garcia, Tony Guilfoyle, Martin Haberstroh, Robert Lepage, Sophie Martin et Roberto Mori.
Avec "Jeux de cartes 1 : Pique", la Compagnie Ex Machina et son mentor, l'auteur dramatique, acteur, metteur en scène, scénographe et cinéaste québécois à la notoriété internationale Robert Lepage, propose le premier volet d’une tétralogie cosmogonique organisée autour du symbolisme combinatoire du jeu de cartes et de la circularité du théâtre en rond.
"Pique", présenté comme une exploration de l’univers de la guerre, ressortit au feuilleton télévisé tant en ce qui concerne l'écriture et la structure, des tableaux souvent réduits à des micro-scènes voire de simples vignettes visuelles, que le découpage scénique et la mise en scène qui évoque l'écriture filmique lelouchienne.
Dans un casino-palace de Las Vegas, se croisent une myriade de personnages, personnages participant du mythe américain, tels Elvis Presley ressuscité en officiant matrimonial, Dick le bien nommé cowboy, le chaman mais aussi la femme de chambre latino clandestine ou le sergent sadique, et personnages archétypaux dont les points communs tiennent à la solitude, au mal être et à la vacuité.
Fragment d'histoires pour les figures de passage et histoire par épisodes pour les personnages récurrents que sont un couple de jeunes mariés québécois, la femme de chambre, un soldat d'origine nordique et un producteur de télévision, joueur addictif, traqué par ses créanciers, sont utilisées de manière iconographique comme des scènes-types convenues, le casino, le bar, la piscine, le désert, souvent à l'intérêt dramatique subliminal.
Bien évidemment, s'y retrouvent les dogmes du théâtre lepagien qui tiennent au "langage scénique visuel, sonore, musical et accessoirement textuel" : de superbes images sculptées par les lumières saturées des éclairages verticaux conçus par Louis-Xavier Gagnon-Lebrun, une bande-son confectionnée par Jean-Sébastien Côté dont les musiques illustratives et les effets sonores font office de didascalies et une éthique écriture de plateau.
A cela s'ajoute, en l'espèce, la spectaculaire scénographie de Jean Hazel qui pose la scène ronde munie d'une bande périphérique tournante et d'un espace central principal carré sur un épais socle qui recèle cintres et coulisses et une armada de machinistes chargés d'actionner les nombreuses trappes d'où émergent décors et personnages, véritable prouesse technique au demeurant fort applaudie par le public lors des saluts.
Toutefois, même si Robert Lepage demeure un brillant faiseur et si les membres de la Compagnie Ex Machina sont passés maîtres dans l'art fregolien, passée la surprise première, le principe du diable qui sort de sa boîte vire au système et tourne dramaturgiquement à vide.
Ne demeurent alors que les scènes esthétiquement bluffantes qui participent du show à l'américaine. |