Comédie dramatique de Henrik Ibsen, mise en scène de Alain Françon, avec Gérard Chaillou, Adrien Gamba-Gontard, Adeline D’Hermy, Agathe L’Huillier, Michel Robin, Dominique Valadié et Wladimir Yordanoff.
Peintre des âmes, peu porté à la démonstration, Henrik Ibsen est le dramaturge nordique certainement le plus subtil et par conséquent le plus difficile à monter. Il n'aime pas la psychologie et laisse toujours à ses personnages un mystère existentiel irrésolu.
Solness l'architecte, qui se fait appeler "constructeur", est-t-il un mythomane tyrannique ou un homme cruellement habité par la mort de ses deux enfants ? Constructeur d'églises, s'est-il pris pour Dieu ou pour son alter ego ? Règne-t-il sur son entourage par besoin de régner ou parce que rien ne règne plus dans son cœur ?
Wladimir Yordanoff a choisi d'être un Solness peu expansif qui assoit sa domination sur des êtres plus faibles que lui sans avoir vraiment besoin d'élever la voix. Alain Françon a conçu ainsi le drame d'Ibsen dans sa banalité intériorisée. Dans les deux premiers actes, tout tourne autour d'un Sollness usé par sa propre histoire.
Il n'est plus l'homme qui construisait les maisons de Dieu, le voilà revenu un simple architecte préoccupé des maisons humaines. Son retour au quotidien, voulu ou subi, il le fait payer cher à sa femme ou à ses collaborateurs. On le sent en attente, rêvant de repeupler ses "chambres d'enfants" tristement inutiles, quand survient son réveil, sous la forme d'une toute jeune femme qui le pousse à redevenir le Constructeur.
S'en suit un troisième acte, plus lumineux, où le décor de Jacques Gabel prend des airs de campagne nordique. Au triste intérieur de l'atelier de Solness succède une radieuse maison de bois devant laquelle bondit la fraîcheur d'Hilde, la femme-enfant jouée avec une grande conviction par Adeline d'Hermy.
Tous les éléments posés minutieusement par Ibsen prennent enfin sens pour un logique dénouement. Alain Françon a cherché à rendre fluide, limpide, voire évidente, une œuvre qui est loin de l'être.
Il y réussit parfaitement et sa version personnelle du drame d'Ibsen, plus distrayante que mystérieuse, ne souffre pourtant aucun contresens. |