Mercedes Deambrosis clôt la Collection Vendredi 13 initiée par les Editions La Branche - 13 romans policiers avec le jour fatidique imposé - avec un opus au titre de circonstance dans lequel elle s'amuse à parodier le genre du roman d'enquête.
En effet, "Le dernier des treize", qui, comme son intrigue, n'est pas sans évoquer "Les dix petits nègres" d'Agatha Christie, procède à des hybridations fantaisistes, notamment avec l'atmosphère glauque à la Simenon, qui ne manquent pas d'un certain charme et mènent malicieusement le lecteur en bateau.
En l'espèce, les dix sont bien évidemment treize, treize compères de jeunesse, qui étaient trop jeunes pour mai 68, mais néanmoins des "anars de salon" qui se pensaient révolutionnaires, devenus de vieux cons cinquantenaires doublés de loosers pas magnifiques, dont l'auteur dépeint le "pathétique bourré de solitude jusqu'à la gueule". Tous bossent dans la même entreprise de veille de serveurs informatiques sous l'égide de Melle Kaminski, "de l'acier enveloppé dans du mohair" et vont tomber comme des mouches chaque vendredi 13.
Dès le premier mort,
celle de Françoise,
la garce trop petite, trop grosse, trop moche, Dorothée,
la néo-hippie mystique
adonnée aux sciences occultes, voit dans la date un signe funeste qui est confirmé le vendredi 13 suivant avec la mort de Charles l'alcoolique, une bouteille de whisky par jour depuis trente ans.
Le meurtre de Sylvain, l'éternel étudiant "avec sa petite gueule, son petit 36 et ses maillots serrés près du corps, qui n'avait gardé de sa jeunesse que sa méchanceté", semble confirmer la théorie du meurtre en série évoquée par la police et, surtout, fait resurgir le pacte qui liait les treize "amis" qui avaient chargé l'un d'entre eux, René, le roi des bonnes combines, au terme duquel il devait engager
un tueur pour les éliminer si, devenus adultes, ils trahissaient leurs idéaux de jeunesse.
Alors à qui le tour ? Cynthia la radine,
"un tiroir-caisse en guise de cerveau", Isabelle, "la stakhanoviste de l'apparence", "un brave gars de ceux qui méritent le pavillon de banlieue, la vieille mère à visiter les dimanches et l'épouse que l'on appelle maman en réclamant son petit blanc avant des chiffres et des lettres" ?
D'autant que le coupable est loin d'être arrêté vu le gabarit de l'inspecteur chargé de l'enquête qui s'en mêle et s'enmêle mais détient peut-être la vraie clé de l'énigme, dont Mercedes Deambrosis fait un personnage tout aussi extravagant qu'anachronique.
En effet, elle en fait un gandin pommadé, gravure de mode à la Brummel, dernier rejeton aussi incompétent que dilettante d'une lignée de serviteurs de l'Etat pris en étau entre un père préfet de région méprisant qui le tient pour la honte de la famille et une mère-couveuse qui voit soudainement dans cette affaire l'occasion de faire la nique à son géniteur.
Avec les récits croisés d'un narrateur extérieur et d'un personnage-narrateur, celui qui sera le dernier des treize mais peut-être pas pour la raison qui paraît se profiler, encore en référence à Agatha Christie et son roman "Le meurtre de Roger Ackroyd", Mercedes Deambrosis emberlificote malicieusement une intrigue nimbée de réalisme social au dénouement digne d'un roman noir. |