Oh bazar et foutoir ! C’est certain, il va m’en vouloir… Bah, tant pis, "la foi qui ne s’exprime pas pourrit", n’est-ce pas Bill Deraime ? Dans le genre "brailleur de fond", je ne suis pas super fan… Du Blues à la voix over-déchirée pour Après demain. Comment ça ? Son seizième album ? Ah oui quand même !
Par où commencer ? "Ben par ce que tu préfères enfin !"... OK. La musique, le style, le blues des lagons bleus teinté de reggae aux bordures rock. Ça fait un peu comme si Bob le Dreadlocké soufflait sur une goutte d’essence de pamplemousse et l’amenait jusqu’aux délicates oreilles de Néron le pas Brutus. Non, ce n’est pas n’importe quoi, si vous relisez bien, c’est parfaitement logique. Bill Deraime a certes une voix éraillée qu’il éraille un peu trop à mon goût certains aimeront certainement, peut-être les fans de growling métalistes, quoique ce n’est pas vraiment ça. Pour ma modeste part, à un moment donné, j’ai eu peur qu’il raye ma vielle chaine hi-fi mais rien n’en fut.
Bref, de belles paroles de "foi, espérance, protestation contre l’injustice" avec lesquelles les plus prestigieux orateurs romains débattaient en d’autres temps et Dutronc "aïe aïe aïe ouiyouille aïe" ("Les cactus"), qu’il reprend plutôt bien. Il brandit la gratte comme un Sanseverino (qui vient en guest sur "Bobo Boogie") et le cœur au bout du fusil comme un druide guérisseur.
J’en viens donc à sa biographie. Celle du bonhomme de 66 piges qui atteint le soi-disant âge de la paix de l’âme (ils disent tous ça, parmi les joies de la douleur de l’enfantement qu’ils essaient de te trouver géniale et les retraités qui n’ont pas le temps… démago va !). Avec sa tendre moitié, il a ouvert un centre d’accueil pour drogués, oui, carrément, alors si ça ce n’est pas de l’essence d’élixir de bonté, je ne sais pas ce que c’est.
Du coup je comprends mieux le besoin de chanter éraillé pour sauver du stress, de la colère et du désespoir. Et la nécessité d’associer le tout à une musique située juste entre la mélancolie et le suicide, là où tout est encore possible. Un vrai artiste militant qui met la main à la pâte (voire qui fabrique la pâte pour mettre ses mains dedans) à la place de couiner devant les caméras. Une grande âme. Il ira au paradis, lui.
Revenons à l’album en lui-même, Après demain, qui rejoint parfaitement les préoccupations de Bill Deraime (et de ses pairs) : l’exclusion et les injustices sociales ("Esclaves ou exclus"), son grand âge ("Le vieil Homme"), le ras le bol ("Y’en avait marre"), l’avenir et l’amour ("Après demain", "Mon obsession") et une reprise du Révérend Gary Davis : "Death Don’t have no mercy", le titre parle tout seul. Et puis "la pauvreté, la douleur de vivre, la chaleur de la fraternité, de la liberté qu’on n’ose pas toujours prendre".
Et tout ça, en français, "parce que les pauvres, les exclus et les marginaux ne parlent pas l’anglais".
Oups, j’ai failli oublier : voici l’album de la maturité ! Hi hi hi (enfin je peux le caser à bon escient !). |