Comédie de Louise Doutreligne, mise en scène de Jean-Luc Paliès, avec Jean-Pierre Hutinet, Catherine Chevallier, Jean-Luc Paliès, Claudine Fiévet, Valérie Da Mota, Ruth M’Balanda, Jeeb’s Paliès, Carel Cléril et Emilien Gillan.
C’est l’effervescence dans le local social de la ville : deux architectes répondant à l’appel d’offre de la mairie viennent visiter les lieux en vue de la restructuration du quartier.
Mais alors que le gardien (Alberto) comptait sur leur présence une demi-journée et avait prévu de les accueillir, l’un des deux architectes (l’homme), aussitôt arrivé, pense avoir tout vu en un coup d’œil et s’apprête déjà à repartir. Alberto, avec l’aide de toute la petite équipe présente (les musiciens ainsi que sa fille, journaliste audiovisuelle), boucle les lieux et les séquestre gentiment pour leur parler de la vie au quotidien dans le quartier, documentaire à l’appui.
Sur le plateau, le mur de fond est surmonté d’un écran qui donne des indications de temps ou illustre le propos. Et dans le décor, un autre écran sur roulettes sert de support pour la projection du documentaire. Il ya aussi des instruments de musique, un bar et des mobiles (inspiré du fameux Modulor de Le Corbusier) qui décorent l’espace.
"C’est la faute à Le Corbusier" est un spectacle protéiforme qui intègre autant la vidéo que la musique pour interroger la notion du "vivre ensemble" à travers différents sujets et propose un état de lieux de l’habitat urbain et des différents grands modèles architecturaux modernes tels qu’ils ont été mis en place avec des fortunes diverses.
Le texte de Louise Doutreligne bien documenté, tantôt drôle, tantôt explicatif dresse un tableau assez complet de la situation du logement collectif et pose les questions. Des témoignages issus du vécu des habitants de grands ensembles dessinent une partie des réponses.
Catherine Chevallier et Jean-Luc Paliès sont les deux architectes dont l’une, humaine, apporte sa vision féminine tandis que le deuxième, cynique, se métamorphosera quelque peu au contact des habitants. Le gardien Alberto c’est Jean-Pierre Hutinet qui amène sa fougue et son dynamisme à ce personnage.
Valérie Da Mota joue Nathalie sa fille avec conviction (et de belles notes de violon). Quant à Louise Doutreligne, elle campe avec aplomb et drôlerie Madame le Maire avec un discours compilant un petit florilège de la parole politique actuelle parfois absconse.
La chanteuse (Ruth M’Balanda à la voix magnifique) et les trois musiciens (Carel Cléril, Emilien Gillan et Jean-Baptiste Paliès) participent à l’ensemble avec un accompagnement musical des plus convaincants et s’illustrent aussi comme comédiens pour une lecture vivante "version pupitre" dont Jean-Luc Paliès est le spécialiste. Son audacieuse mise en scène mêle tout ce petit monde et fait habilement passer d’une forme à une autre de telle façon qu’on ne s’ennuie pas.
Au final, "C’est la faute à Le Corbusier" est un fraternel moment foisonnant confrontant les idées et croisant les points de vue qui propose de façon festive de repenser notre rapport aux autres dans un environnement urbain qui est le résultat des utopies passées.
L’ambiance chaleureuse qui émane de ce groupe intergénérationnel préfigure peut-être ce que pourrait être l’espace partagé par tous. Et c’est le personnage de Sarah, d’origine nigériane, étudiante en école d’architecture qui donnera une note d’espoir à la fin avec une nouvelle vision de l’intérieur, convaincue d’un projet pour l’avenir qu’elle défendra avec une "douce fermeté". |